Malgré le climat tempéré dont jouit Central de part sa position dans le pays, la nuit est particulièrement froide. Les quelques badauds encore à l'extérieur, malgré l'heure très tardive, marchent d'un pas rapide, les bras serrés autour de leur corps dans une veine tentative de se réchauffer. Leur souffle se matérialise sou la forme de fumerolles blanches à chacune de leurs respirations, s’élevant dans le ciel nocturne avant de disparaître quelques secondes plus tard, sous l’œil unique et brillant d'une pleine lune.

Dans l'un des quartiers résidentiels de la capitale, un homme se déplace à pas feutrés. Sa démarche est égal et mesuré, altière et droite, rapide et silencieuse. Engoncé dans un manteau veste habillé d'un noir de jet, il n'a, pour se tenir chaud, placé qu'une cape d'un bleu aussi sombre que le ciel, possédant un col lui remontant jusqu'au haut du cou. Il semble s'obstiner à ignorer le froid, poursuivant sa route sans cacher ses mains gantés de noir dans ses poches ou sous ses aisselles, la bouche fermée, comme s'il refusait de trahir sa présence par l'apparition de ce petit nuage de fumée caractéristique des saisons froides. Son visage est inexpressif, ses lèvres ne frémissent pas et son regard ne vacille pas, regardant droit devant lui, ses yeux bleus oscillent légèrement d'un coté ou de l'autre quand ils perçoivent un mouvement mais le pas ne change jamais, trahissant un sang froid en opposition à la couleur flamboyante de sa chevelure. Les quelques personnes qui l'observent passer font le même constat : un aristocrate.

Pourtant Dorian n'est pas en déplacement en tant que seigneur de la maison Faustein, mais comme alchimiste d’état, chargé d'une mission. Bien décidé à remplir la tâche qui lui a été confié, il poursuit son chemin d'un pas déterminé, vers le lieu qui lui a été présenté quelques heures auparavant. Sa marche dure encore quelques minutes, avant de finalement prendre à droite à l'un des croisements pour apercevoir la grande maison qui doit devenir le théâtre d'une arrestation.

Lejeune homme a été chargé de procéder à une arrestation. Si ce devoir est généralement rempli par les militaires de grades inférieurs, la situation particulière de la cible exigeait un traitement différent. L'homme en question était un bourgeois, riche homme d'affaire contribuant à la richesse du pays et à la puissance de l'armée par les nombreux travaux réalisés par ses entreprises pour le compte des combattants d'Amestris. Cependant, il apparaît depuis quelques mois que sa fortune s’accroît à une vitesse suspecte, d'autant plus que dans le même temps, des lieux stratégiques ont été détruit avec une précision déconcertante dans l'est du pays, révélant ainsi le trafique organisé par le riche homme d'affaire autour des plans de construction des édifices réalisés pour Amestris. Désormais coupable de haute trahison, l'homme devait être mis hors d'état de nuire et rapidement interrogé afin qu'il livre sans tarder les noms de ses acheteurs et les lieux de ses transactions.

Dorian n'est pas étonné de savoir cet homme véreux. Son opinion au sujet des personnes riches n'est pas glorieuse, les jugeant comme des charognards prêt à se nourrir de n'importe quel viande, même la plus immonde, pour continuer de s'engraisser. Ces hommes et ces femmes le dégoutent, ils n'agissent que par appât du gain, et au lieu de posséder l'argent, c'est la monnaie qui est devenu leur maître.

Cependant, bien qu'il fasse tout pour augmenter son capital, l'homme n'a pas hésité à dépenser de fortes sommes pour se prémunir de tout danger, faisant garder sa maison par des hommes armées. Il s'agit d'un autre point pour lequel un alchimiste est plus efficace qu'un simple groupe de quelques soldats. Le risque de perte en devient presque nul, du moins pour le camp de l'armée.

Bien décider à pénétrer dans la maison aussi discrètement que possible, sans avoir à commencer son intrusion par du sang versé, Dorian se déplace vers un mur de coté. Sortant sa craie de sa sacoche, il trace un petit cercle sur la cloison de béton avant de pratiquer l'alchimie. Le processus illumine légèrement la rue, mais désormais, la paroi plane a laissé place à un trou à taille humaine, alors que deux excroissances de bétons empiètent désormais sur le trottoir. Il poursuit alors dans le jardin, restant à l'ombre des arbres et arbustes autant que possible, jusqu'à atteindre une porte situé à l'arrière de la maison. Agissant avec rapidité, il s'élance et dégaine d'un même mouvement, et avant que le garde n'est pu levé son arme ou tenter de donner l'alerte, la lame de la rapière s'est enfoncé dans sa glotte, ressortant loin de l'autre coté du cou, empêchant tout son de sortir de sa bouche. Retirant l'arme, Dorian retient la chute de l'homme afin de ne pas faire de bruit, et le traîne jusque dans un coin du jardin non éclairé avant de revenir à la porte et d'entrée.