Le soleil brillait encore mais paraissait être bientôt prêt à se cacher derrière les collines de l’ouest. Robert Nesta sortait de la bibliothèque militaire d’un pas pressé. Il tenait sous le bras un livre à la couverture noire portant des écritures vertes. Il s’arrêta un instant en atteignant le trottoir. Il souleva un pan de son manteau et rangea le livre dans la plus grande poche de sa veste. Il regarda autour de lui, semblant chercher le meilleur chemin. Il reprit finalement sa marche d’un pas rapide après avoir rabattu sa capuche sur sa tête.

Il avait passé plusieurs heures dans cette bibliothèque sans avancer dans ses recherches. Il venait de trouver ce livre qui l’aiderait à terminer rapidement les préparatifs de sa prochaine mission. Sentant la faim l’assaillir il avait décidé de se rendre en ville pour trouver un endroit ou se rassasier. Il essayait de se dépêcher car, autant que possible, il aimait ne pas avoir à se déplacer de nuit. Il tenait cette habitude des entrainements de Nevuski, car dans la nature il est impossible de se cacher des prédateurs qui chassent une fois la nuit tombée. De plus, cela lui évitait d’avoir à retirer ses lunettes teintées, laissant ses yeux à la vue de tous.

L’homme se déplaçait tel un fantôme dans la ville. Personne ne semblait le voir passer ni ne cherchait à éviter de le percuter. Robert se contentait de glisser silencieusement sur le côté au moment où la collision semblait inévitable.

Après avoir quitté la base de l’armée et commencé à s’enfoncer dans le centre-ville, Robert fut coupé dans ses pensées par une odeur alléchante. De la volaille ? Du poulet peut-être ? Oui du poulet rôtit, c’était bien ça. Son nez ne le trompait jamais. Il avait à présent la ferme intention de déguster un poulet rôtit et suivait la piste que lui traçait son flair. Il arriva finalement devant une petite boutique assez particulière. Au lieu de la grande vitrine et de la petite porte que l’on trouvait devant la plupart des échoppes de la rue, un pouvait voir ici un simple comptoir donnant directement sur la rue. Derrière le comptoir, un homme préparait des assiettes. Derrière lui, des poulets rôtissaient sur des braises. L’homme faisait des va-et-vient entre ses assiettes et les broches qu’il faisait tourner. Robert s’assit sur un tabouret devant le comptoir. En le voyant l’homme sembla empli d’une grande joie.

-Bonjour Monsieur ! Qu’est-ce que je peux faire pour vous ?

-J’ai grand faim, chef !

-M’en dite pas plus. J’ai ce qu’il vous faut.

Il retourna vers la rôtissoire et commença à découper l’une des volailles. Alors que Robert commençait à ne plus pouvoir résister plus longtemps, il sentit une odeur désagréable. Après avoir passé quelques secondes à se poser des questions sur le respect des règles d’hygiène de l’établissement, avant de se rendre compte que l’odeur s’intensifiait. L’origine de cette odeur infecte se rapprochait. Il en fut convaincu lorsqu’une jeune fille apparut au coin de la rue.

Le cuisinier lui avait servi son assiette pendant que la jeune fille s’approchait de l’échoppe. Robert cessa donc de s’y intéresser pour se concentrer sur sa nourriture. Il commença alors à dévorer son poulet. Sa façon de manger était surprenante. Mêlant voracité et technique, ses mains s’agitaient dans tous les sens pour que sa mâchoire ne reste jamais inactive. Il se laissait à peine le temps d’ingurgiter un morceau avant d’en présenter à sa bouche un nouveau prêt à être mastiqué. Il ne s’arrêtait de mâcher que pour boire une grande gorgée d’eau afin de faire descendre une portion récalcitrante.

L’homme en face de lui le regardé d’un air mélangé de fierté d’avoir servi un bon repas et dégout. Il en oubliait même de s’occuper de ses volailles. Il fut plus surpris encore en voyant la jeune fille attaquer son assiette tel une bête sauvage. Il ne fit pas la moindre remarque pour autant. Il était petit et trapu, il semblait du genre de personne qu’il ne faut pas embêter et pourtant il pliait face à elle. C’était bien la première fois que Nesta voyait une fillette d’une quinzaine d’années à peine effrayer un homme qui devait avoir trois fois son âge. L’homme se rappela qu’il avait du travail quand il croisa le regard de la jeune aux cheveux blonds. Il retourna retourner ses broches.

Robert lui-même fut choqué par sa voracité. Il était considéré comme un goinfre, mais là, il était battu haut la main. Elle avait fait disparaitre le contenu de son assiette alors qu’il lui restait encore une bonne moitié de son repas. Il s’arrêta même de manger, trop étonné.

La jeune fille se rapprocha alors de lui, s’asseyant juste à sa droite. Elle semblait elle aussi intriguée.

-Enfin, qu'avez-vous à me regarder comme ça?

L’alchimiste eu un rire amusé, mais pas moqueur. Il lui sourit en préparant sa réponse. Il ne voulait pas risquer de subir le regard meurtrier qui avait fait fuir le cuisinier. L’homme regardait d’ailleurs la scène discrètement, oubliant à nouveau ses broches.

-Tu es une jeune fille amusante. Je n’ai jamais quelqu’un d’aussi surprenant. Ton parfum… surprenant (le cuisinier sembla humer l’air et déceler une odeur désagréable qu’il attribua à ses poulets qui commençaient à trop cuire), tu es couverte de saleté alors que tes vêtements sont propres, tu effraies un homme d’un simple regard et… Il désigna l’assiette vide de la fillette. Bon sang, tu as un appétit de lion.

Dans sa bouche, ce dernier point paraissait être un grand compliment. Il tendit calmement sa main pour la poser sur la tête blonde de manière amicale.

-Allez va, pour faire pardonner mon manque de tact. Tu prendras bien un dessert ?

Il posa quelques billets sur le comptoir à l’attention du cuisinier. Il y avait de quoi régler les deux repas ainsi qu’une glace. Il fit signe à l’homme de vaincre sa peur pour proposer à la jeune fille ses différents parfums de crème glacé.

Elle ferma les yeux et souri, laissant découvrir ses dents, amusée du comportement du cuisinier. Un peu ridicule, mais comique.
La jeune fille posa son assiette juste après avoir posé sa question à l'homme. Car oui pour manger elle avait opté pour une position un peu spéciale. Elle portait son assiette en-dessous du menton. Façon particulière, j'en conviens.

« Mon parfum? Ah oui. » Elle sourit une nouvelle fois.
« C'est un peu compliqué. »

Elle regarda d'un bref coup d'œil la direction d'où elle venait. Elle était tombé dans l'eau des égouts.
C'était donc normal qu'elle sente comme cela. Possible mais l'homme n'en savais rien. Elle se dit qu'il devait avoir une bien mauvaise opinion d'elle. Elle n'en avait pas non plus sur elle même et n'avait jamais prêter la moindre attention à sa propre odeur, puisqu'elle l'avait presque depuis sa fuite du laboratoire. L'odeur s'était quand même un peu estompée, quand elle avait changé de vêtements. Elle ne la sentait plus mais apparemment elle était encore présente. Elle rougit légèrement, honteuse.

«  Quand à mon appétit sache que je n'ai jamais mangé. »

Sa réponse lui semblait tout à fait normale. Elle bailla.
Quand il lui tapota sur la tête elle eu un brusque mouvement de recul, peu habituée au contacts avec d'autres personnes. Elle se remit en place tout de suite après.

«  Hum... une glace? C'est quoi? »

Vu comment c'est proposé, ça doit se manger, pensa-elle.
Elle hocha la tête, pour faire comprendre qu'elle était d'accord. Le chef lui proposa différents parfum, l'air méfiant. Lie se demanda si il avait peur d'elle. Elle ne comprenais pas grand choses à ses « vanille, chocolat, fraise... » et autres mots qu'elle ne connaissait pas. Elle choisit donc complètement aléatoirement «  fraise ». Elle commença à lécher la glace. « Froid » pensa-elle.
Elle bailla un nouvelle fois et descendit de son siège. Elle frissonna la tombée de la nuit amenait aussi de l'air frais. Elle soupira pensant qu'elle allait encore dormir dans les égouts. Elle n'avait pas tellement envie d'y retourner. Une soudaine envie de se dégourdir les jambes lui pris.


«  Merci beaucoup pour le repas et la … euh...glace! »

Elle se dirigea vers un parc non loin de là tout en continuant à manger sa glace. De plus c'était plus accueillant que les égouts. Du moins ça en avait l'air . Elle décida qu'elle y passerais la nuit. Elle trottina jusqu'à l'entrée. En chemin elle trébucha et se rattrapa maladroitement. Elle avait de plus en plus froid, en même temps elle portait de vêtements léger, d'été. Elle s'assit dans l'herbe confortable pensa-elle.

Robert s’était remis à manger et ne s’aperçu même pas que la fille s’apprêtait à partir. Il fut surpris de l’entendre parler, alors qu’il avait sa fourchette dans la bouche, l’empêchant de répondre. Il n’eut pas le temps d’avaler son morceau de poulet en toute hâte pour la saluer. Elle avait déjà tourné les talons et s’éloignait tranquillement. Le cuisinier se sentit à nouveau libre de parler quand elle fut assez loin pour ne plus l’entendre.

-Et bien, c’est une sacrée furie cette petite. Il y a tant d’enfant dans les rues, ça me désole. Où passe leur enfance hein ? Et l’Etat qui s’en lave les mains !!

Il leva un poing rageur en direction de la cime de la tour Est du QG militaire que l’on distinguait entre les immeubles du centre-ville. Il le baissa vite, paraissant craindre d’être vu par une éventuelle patrouille de passage. Il ne se doutait absolument pas qu’il s’adressait à un alchimiste à la solde de l’armée. Robert ne lui fit cependant aucune remarque à ce sujet. Il réfléchissait silencieusement à ce qu’il venait de dire. La jeune fille semblait effectivement ne pas avoir de domicile ou de famille, mais Nesta savait pertinemment que ce n’était pas une enfant de la rue. Il l’avait été lui-même pendant plusieurs années et ne reconnaissait pas en elle les jeunes distants, froids et bien souvent voleurs qu’il avait côtoyés. Elle l’intriguait vraiment au plus haut point.

-Par les temps qui cours, ce n’est vraiment pas sûr pour une fillette de se balader seule la nuit. Vous savez qu’on a croisé des Ishbals dans le quartier il y a quelques jours ? Elle a beau avoir un regard de tueur, j’pense pas que ça arrêterait une bande de ces fanatiques basanés.

L’homme avait raison sur ce point. Même si les ishbals n’étaient généralement pas les plus à craindre, les rues étaient particulièrement mal fréquentées la nuit.

-Vous avez raison, je vais voir si je ne peux pas la retrouver. Histoire de vérifier qu’elle ne s’attire pas d’ennuis.

Il se hâta de finir son plat. Il prit tout de même le temps de saucer son assiette avec ce qu’il lui restait de pain et de terminer son verre d’eau.

-Vous êtes quelqu’un de bien M'sieur. C’est rare à notre époque. N’hésitez pas à revenir si vous avez une envie de poulet, vous serez bien servi.

Il disait cela en se tenant devant ses broches. Il essayait de cacher qu’il avait laissé ses volailles bruler.

-Merci, chef !

Il se releva, vérifia rapidement le contenu de ses poches en palpant son manteau et pris la route. Le soleil commençait à ne plus laisser voir ses rayons et les lampadaires de la ville n’avaient pas encore été allumés. Robert ne voyait plus grand-chose, mais ne semblait pas vouloir retirer ses lunettes teintés. Il marchait dans la direction qu’avait prise la jeune fille. Il ne tarda pas à atteindre un parc, dans lequel il entra, sentant à nouveau l’odeur nauséabonde de la jeune fille.

L’homme n’eut que quelque mètre à faire avant de discerner sa chevelure blonde. Elle était assise dans l’herbe près de l’allée qu’il empruntait lui même. C’est à ce moment que l’éclairage public s’alluma. Cela permit à l’alchimiste de voir que quatre personnes s’approchaient d’elle. Il ne distinguait que leurs ombres mais savait que leurs intentions étaient mauvaises. Cela se confirma quand l’un d’entre eux prit la parole.

-Et bien, et bien ! Regardez ce qu’on a là les mecs !

Robert les vit sortir des couteaux, qu’ils pointaient en direction de la jeune fille. Un second se mit à la menacer.

-C’est plus l’heure ni l’endroit pour une gamine de rêvasser dans l’herbe.

Ils l’entouraient à présent. Le plus volumineux des quatre lui agrippa le bras.

-Et si on s’amusait un peu ? Commence par me donner ton argent.

Ils étaient trop proches d’elle et il faisait trop sombre pour que Robert puisse leur lancer des couteaux sans prendre le risque de la blesser. Il préféra se diriger en silence vers un arbuste. Il était à 5m environ des délinquants. Cela suffirait. Il sortit de sa veste un sachet contenant une poudre blanche. Il l’ouvrit et commença à verser la poudre au pied de l’arbre en traçant un cercle de transmutation.

Lie baillait aux corneilles, la tête dans les genoux et les bras croisés. Elle avait envie de dormir, mais pas encore tout de suite. Elle attendait que le soleil se couche pour pouvoir profiter du spectacle, qui ne tarderait pas. Elle bailla une nouvelle fois fatiguée d'avoir erré dans les égouts une bonne partie de la journée. La blondinette entendit au loin des éclats de voix, mais ne s'en inquiéta pas plus. « Ah! Le soleil se couche enfin. » pensa-elle. Elle admira l'astre solaire disparaître derrière la ligne d'horizon créée par les bâtiments de la grande ville. Les voix se rapprochaient et elle put distinguer un petit groupe composé de quatre hommes. Le premier avait la taille large portait un manteau de cuir noir, usé par le temps, un pantalon simple et était pourvu d'un crâne parfaitement lisse. Un autre de taille moyenne n'arrêtait pas de lancer des petit rires niais, aléatoirement.
Le troisième ressemblait au précédent, à la différence qu'il avait l'air moins stupide. Enfin le dernier, le plus petit aussi, affichait un regard gêné derrière sa frange. Ils étaient encore loin d'elle, alors elle se remis dans sa position initiale. Elle croyait qu'ils allaient changer de directions, mais ils arrivaient bel et bien vers elle. Elle ne bougea pas, le groupe n'ayant aucun intérêt pour la nouvelle-née.
Soudain , celui qui souriait bêtement, s'adressa à elle :

«  -C’est plus l’heure ni l’endroit pour une gamine de rêvasser dans l’herbe.  »

L'homme au manteau lui agrippa le bras violemment.


«  -Et si on s’amusait un peu ? Commence par me donner ton argent.  »

Lie se faisait tirer le bras vers le haut, encore et encore. Elle se laissait faire pensant qu'ils se lasseraient et la laisserais tranquille. Mais cela aurait été trop beau pour être vrai. Il continuait de la secouer et elle retira vivement son bras, et se releva.



«  - Oh! Mais mademoiselle se rebelle à ce que je vois! On va t'apprendre les bonnes manières nous! »


Ce dernier la renvoya au sol, et la regarda d'un air sadique. Lie baissa la tête le regard noir et se remit debout une nouvelle fois, en titubant. Décidément ce n'était pas son jour. Profitant de sa taille plutôt petite par rapport à cet homme elle se glissa jusqu'à lui et le fit tomber en agrippant ses jambes et tirant vers l'avant. Il atterrit les quatre fers en l'air ce qui la fit rigoler intérieurement. Et d'un. Il n'en manquait plus que trois, ou plutôt deux, car le plus petit n'avait pas l'air de franchement vouloir se battre. Pourtant un des homme le poussa vers Lie et il tenta d'attaquer la jeune fille. Elle esquiva facilement et l'envoya valser d'un coup de pied de force modérée pour ne pas le blesser. Elle voyait bien qu'il était forcé. Il atterrit non loin de là et s'enfuit sans demander son reste. Les deux autres le regardèrent détaler avec un regard méprisant. Sans laisser de répit à la blondinette tous deux se jetèrent sur elle. Elle avait du mal a éviter les coups mais réussi tout de même à se débarrasser d'un de ses assaillant en lui donnant un coup de poing dans le ventre. Derrière elle le premier homme avec qui elle s'était battue se releva et dégaina son couteau. Lie ne vit rien jusqu'au moment ou il arriva par derrière, lui mis le couteau sous la gorge et tira d'un coup sec. Une giclé de gouttes écarlates perlèrent sur le sol. La jeune fille s'écroula 
avec un bruit sourd.

«  Ah... c'est vraiment du gâchis. »

  Il regarda le corps, a priori sans vie de la nouvelle-née. La troupe de voyou partie au loin en rigolant et discutant laissant Lie giser sur l'herbe du parc.