Le colonel marcha le long du couloir pour rejoindre son bureau, avec une cafetière et une liasse de document à la main. Aujourd'hui était un jour comme les autres, rien à signaler. Central avait beau être une ville animée, le colonel profitait de ces moments de répit pour souffler un peu. Son équipe étant déjà sollicitée sur le terrain il se retrouvait tout seul à faire la paperasse, chose pas géniale au final puisqu'il ne pouvait pas la refiler.

Continuant tranquillement de marcher vers son bureau le brun remarqua néanmoins que la porte était légèrement entre-ouverte, signe que quelqu'un était déjà à l'intérieur. Il ne fut pas vraiment surpris de trouver le Fullmetal Alchemist, toujours avec un air ronchon habituel assis sur le canapé. Il lui adressa un regard et un mince sourire puis en referma la porte avec son dos. Ceci fait il lui déclara ensuite de sa voix calme et grave :

" Bonjour jeune Fullmetal."

Tout en ignorant le visage toujours aussi peu harmonieux du jeune garçon qui se déformait dès qu'il voyait son cher colonel, celui-ci posa les documents et la cafetière sur son bureau de bois lustré. Se versant une tasse de café il demanda ensuite au blondinet s'il en voulait une. C'est en croisant son regard doré pour la seconde fois que le Flame Achemist détecta une lueur morne dans le regard d'Edward. Son silence en disait d'ailleurs long sur son état d'esprit.

" Hé bien, qu'est-ce qu'il t'arrive ? Si tu prends une semaine de congé essaie au moins de régler tout tes problèmes ! "

Il serait incorrect de dire que Roy s'inquiétait nous n'en étions pas à ce stade ; toutefois il allait rapidement être agacé si le blondinet continuait à se tirer une tête de déprimé tout en conservant son silence. Cela devait faire une semaine, presque deux qu'ils ne s'étaient pas revus et ce cher Fullmetal fêtait ses retrouvailles avec le boulot avec une tête de chien battu. Ses yeux n'était pas aussi ternes que lorsqu'il l'avait rencontré pour la première fois à Resembool mais il pouvait néanmoins aisément y lire le trouble. Mis à part sa mine plus patibulaire que d'habitude l'adulte ne peut s'empêcher de remarquer que quelque chose d'autre clochait :  

" Alphonse n'est pas avec toi aujourd'hui ? " demanda-t-il en cherchant du regard dans son bureau si il n'avait pas raté une immense armure.

Peut-être le cadet était occupé ailleurs ? Certes une personne suffisait pour faire un rapport mais c'était rare de ne pas les voir les deux frères scotchés ensemble. D'ailleurs en parlant du rapport, le brun n'avait pas reçu le dernier sur Sorrow et ne se gêna pas pour le lui faire remarquer.  

C'était bien pour reprendre le boulot qu'il était venu de toute façon non ?

Le jeune garçon resta très évasif sur la question lorsque le militaire évoqua son frère. Il se contenta de lui dire qu'il s'était simplement retiré pour voir la famille, chose qui n'interpella pas le militaire plus que cela. De toute manière, ce n'était pas bien dur de deviner qu'un problème les titillait tout les deux au vu déjà premièrement de la tête du blondinet et deuxièmement du fait de cette séparation improvisée pour prendre un peu de bon temps au foyer. Une dispute fraternelle peut-être ? Roy préféra ne pas tirer de conclusion hâtive mais il était vrai qu'il ne les avait jamais vu se disputer. Et pour cause le cadet Alphonse était l'opposé de son frère, poli et sage, toujours intervenant au bon moment pour contenir l'énergie belliqueuse de son ainé et ainsi lui éviter bien des problèmes.

Roy s'empara du dossier qu'il lut en diagonale, écoutant la voix monotone du Fullmetal qui récitait un résumé. Il s'arrêta néanmoins sur la mention du nom du Colonel Evans, jeune femme ambitieuse qu'il avait déjà eu l'occasion de rencontrer. Elle avait du caractère et de la panache ce qui n'était pas sans rappeler le général Armstriong qui elle néanmoins se fichait royalement de lui et ne le prenait absolument pas une menace sérieuse. A contrario la belle colonel le tenait (un peu trop) à l’œil, le considérant comme un rival à éliminer. Il n'avait jamais compris pourquoi toute cette haine mais bon, les femmes sont parfois des énigmes impossibles.

Le coté scientifique du militaire pris le dessus, tandis qu'il commençait à mettre en lien avec les tentatives de formations de chimères : il n'y avait qu'un pas ! Toutefois d'après le récit du Fullmetal, il s'agissait plus d'une sorte de drogue et la transformation semblait plutôt aisée. Le reste du dossier semblait complet, et de toute façon, ce n'était pas le seul qu'il avait reçu à propos de cette affaire. En effet, il en avait déjà reçu une dizaine de la part de militaires envoyés sur place, celui du Fullmetal n'en étant qu'un parmi les autres et ce, malgré son importante pas des moindres puisqu'il était en charge de cette mission.

" Une alchimie qui permet de zombifier des personnes... " répéta-t-il à voix haute, la mine perplexe.

Son regard perçant et sombre se dirigea ensuite droit dans les deux d'Edward, qui venait de finir son petit speech très las.

" J'espère qu'on t'a soigné correctement au moins. Je n'ai pas envie que pour les missions prochaines tu continues à me rendre tes dossiers avec une semaine de retard... "

Il jeta ensuite encore un oeil au dossier et observa le cercle de transmutation qui avait permis le sevrage. Un mince sourire éclaircit le visage de l'adulte : c'était brillant, comme d'habitude. Le plus jeune alchimiste d'Etat ne méritait pas son titre de génie pour rien. En toute franchise le colonel pensait que le jeune adolescent surpassait même certain adultes qualifiés dans ce domaine. Lui-même n'aurait pas pu dresser un cercle de transmutation aussi compliqué en aussi peu de temps, admettant volontiers que l'alchimie médicale n'était pas dans ses cordes.

Le jeune garçon releva la tête vers son supérieur, l'air un peu embarrassé ce qui surprit légèrement Roy.

- Colonel, je voudrais une nouvelle mission et j'aurais une question à vous poser d'ordre plus... Privé.

Il laissa passer un petit moment avant de détailler son visage, comme si il tentait de percer ses pensées à travers. Est-ce que ce jeune fanfaron venait de mettre sa fierté de côté pour enfin finalement se confier à un adulte -qu'il déteste en plus- ? Roy avait rarement l'habitude de passer pour une figure paternelle ou même plutôt fraternelle auprès du Fullmetal malgré leurs quinze ans d'écart, chose qui ne le dérangeait pas à vrai dire, étant donné le fossé hiérarchique qu'il jugeait important. Il n'avait pas l'intention de jouer les nounous avec lui et lui avait clairement fait comprendre dès le début. Mais de toute manière, Edward était bien trop fier pour reposer sur quelqu'un d'autre que lui-même. De ce côté là, le colonel n'avait pas à s'en faire mais espérait que le jeune garçon n'en fasse pas trop. C'était déjà suffisamment dur de porter un tel fardeau à cet âge-là et ce, en plus de la voie difficile qu'il avait choisi.

Que le militaire l'éclaircisse sur une question qui le taraude ne le gênait absolument pas. Au contraire il trouvait cette situation amusante mais se garda bien d'esquisser un moindre sourire, devinant que son interprétation prêterait à de la moquerie. Il attrapa un classeur et rangea le nouveau dossier avant de retirer un autre tas de feuille de son tiroir. Il ne mit pas longtemps avant de retirer un autre fiche agrafée, vraisemblablement une autre mission.

" Tu n'avais pas besoin de demander, on croule sous les affaires bizarres ces temps-ci... " soupira l'adulte.

Il posa ensuite la fiche sur le bureau, mais toutefois assez loin pour que le Fullmetal ne puisse pas l'attraper. Il lui demanda ensuite, comme si il s'agissait d'un prix pour obtenir la dite-mission et ne put réprimer un sourire :

"  Néanmoins j'ai toujours un peu de temps à te consacrer. Je t'écoute, quelle est ta question ? "

Le téléphone sonna peu après, interrompant les deux alchimistes. Roy décrocha le combiné et fut surpris d'entendre la voix de l'armure lui répondre à l'autre bout du fil : il jeta néanmoins un coup d'oeil à Edward et lui fit mine d'attendre un peu, histoire qu'il tire cette histoire au clair. L'adulte s'était délibérément retenu de prononcer le nom du cadet Elric afin que l'ainé n'en sache rien.

" Je suis occupé oui. Mais qu'est-ce qui se passe ? " lui demanda-t-il d'un ton sérieux et ferme, ce qui incitait le jeune garçon à lui répondre sans détour.

Le militaire était intrigué que le jeune frère lui téléphone : il devait forcément avoir une bonne raison. De toute manière l'un comme l'autre ne savait pas que son frère était en train de poser une question au colonel. Peut-être allait-il mieux comprendre pourquoi les frères semblaient-ils se bouder de cette manière ?

— Pourquoi t'es en sous-vêtements Winry ?!  Et puis pourquoi tu me demandes ça, à moi ?! Je... Je... J'en sais rien ! Je suis un homme ! Je connais pas ces choses là !

Hein ?

La première réaction du militaire eut été d'esquisser une mine hébétée en entendant les mots du cadet Elric qui hurlait près du combiné. Qu'est-ce que c'est que cette histoire de "sous-vêtements" ? Et qu'est-ce qu'était en train de faire Alphonse ? Edward remarqua le trouble du colonel qui regardait d'ailleurs dans sa direction, mais celui-ci ne dit rien. Winry... S'agissait-il de la petite Rockbell ? C'était la fête du côté du plus jeune des Elric on dirait...

Par ailleurs le colonel n'était pas d'accord. On voyait bien que l'armure n'était qu'un jeune petit freluquet ! Un homme se doit d'avoir d'avoir tout avis concernant les sous-vêtements d'une femme ! On dit même que dans une légende populaire les sous-vêtements détermine les qualités et le destin amoureux d'une femme digne de ce nom !

— Je suis navré colonel... En faite je... Vous avez des nouvelles de mon frère ?

Le colonel fronça les sourcils avant de déclarer en s'efforçant de ne pas regarder le concerné :

" Oui il est passé à mon bureau. Ou plutôt il est à mon bureau. "

Oui finalement le brun avait changé d'avis et lui affirma tout haut que son frère était en sa bonne compagnie. Il avait du mal à saisir le sens de son appel : s'inquiétait-il pour son frère ? C'est vrai qu'il n'avait pas bonne mine et semblait plus perturbé que d'habitude. Il ajouta alors avec un air taquin, tout en s'adossant confortablement à son siège :

" Hé bien qu'est-ce qu'il vous arrive les frères Elric ? Vous n'arrivez plus à communiquer normalement ? Par d'ailleurs Alphonse c'est quoi ces hurlements féminins que j'entends derrière toi ? "

Houla ça pouvait être compris bizarrement sans contexte... Mais non mais non ya pas de malaise c'est juste une armure ! 8D

[EDIT d'une grosse armure: Arrête de tout prendre de travers je vais mourir moi XD]

— Parfaitement qu'on y arrive pas ! Et pour cause, il m'envoie paître à Resembool pendant qu'il se paye du bon temps ! s'écria l'armure, visiblement échauffée.

Le colonel haussa les sourcils, d'un air légèrement troublé. Il leva finalement ses pupilles sombres vers le blondinet et lui sourit d'un air narquois : alors comme ça il s'était débarrassé de son frère ? Maintenant les pièces du puzzles commençaient à s'assembler :  pour quelle raison ce jeune Edward Elric voulait-il être seul à la capitale ? Pour régler des histoires de cœur, potentiellement. D'ailleurs cela expliquerait pourquoi il était si bizarre aujourd'hui. Son visage à maintes reprise rouge pivoine témoignait d'une gêne immense à l'idée de demander des conseils à un adulte tel que Roy, spécialiste du batifolage. Pas sûr que l'adolescent ait fait le bon choix par contre. En plus il s'était attiré les foudres de son frère.

Alphonse tenta de répondre, bien que déstabilisé par la question volontairement provocatrice du colonel :

- Des cris féminins ? Heu... Winry qui... me demande de lui donner un avis sur ses sous-vêtements ?  se hasarda-t-il en guise de réponse.

Le brun fit des gros yeux un moment avant et faillit éclater de rire mais c'est sans compter que le blondinet en véritable pile électrique s'était jeté sur le combiné en s'écriant :

- ALPHONSE !!! TOUT VAS BIEN ? QU'EST-CE QUE T'AS ENCORE FAIT !!???

Le blond avait sauté sur le bureau et avait entrainé dans sa chute Roy qui tomba de sa chaise. Il voulut se redresser immédiatement mais le blond était à califourchon sur lui. Il n'eut d'autre option que de l'interpeller, haussant d'un ton :

" Aie ! Mais Edward tu as complétement perdu l'esprit ?! " s'exclama-t-il, énervé de s'être fait renversé de la sorte.

Toutefois le jeune garçon était trop occupé à écouter son frère dont la voix résonnante et fluette perçait les tympans à travers le téléphone :

— Une chose en son temps, bordel ! Colonel, il ne se passe rien entre Winry et moi, du moins, rien que vous ne vouliez savoir ! Edward ! Tu te calmes ! Je suis pas le fautif dans l'histoire ! C'est pas de ma faute si TA PETITE AMIE décide de se foutre à poil devant moi ! Winry, arrête de hurler, tu vas réveiller tout le monde. Et puis merde ! Vous me faites chier !

...Qu'est-ce qui se passe à la fin ? C'est le cadet Elric qui pète les plombs?

Chose plutôt rare quand on y pense mais étant donné que de les voir en froid tout les deux étaient également une chose inhabituelle... Tout comme le fait qu'Alphonse assiste à un strip tease ou qu'Edward vienne lui demander conseil tiens ! C'était la journée des bizarrerie aujourd'hui ! Comme l'alchimiste d'acier semblait prendre goût à ce coussin de fortune qu'était devenu Roy Mustang, l'adulte dût se redresser en s'accoudant  mais le jeunot lui bloquait les jambes... Position gênante, voir même plutôt humiliante pour le militaire haut gradé. Il lui jeta un regard de la mort qui voulait tout dire :

" Je me contrefiche de vos histoires de gonzesse les frères Elric, dépêche toi de t'écarter de là avant qu'on nous surprenne !" déclara-t-il avec une voix sombre.

Le blond s'était relevé et les deux firent comme si rien ne s'était passé : il valait mieux ! Edward s'engueula de nouveau avec son frère avant de tendre le combiné à l'adulte qui esquissa une mine surprise.  

- Expliquez-lui, vous que quand on fait une connerie plus grosse que soit on ne doit pas s'étonner d'être sanctionné ! Et que c'est normal que je ne lui fasse plus confiance s'il continue à jouer les parfaits imbéciles !

De l'autre bout du fil on pouvait entendre le cadet répliquer en hurlant :

— Bah bien sûr, demande lui de m'apprendre comment on fait l'amour aussi pendant que tu y es ! Non mais ça va pas dans ta tête blonde Edward ?! Je sais parfaitement ce qui se passe lorsqu'on fait une connerie et tu es la dernière personne à pouvoir me faire la morale dessus ! Abruti ! Maintenant, je vois que tu es en parfaite forme et que je me suis inquiété comme un boeuf pour rien. Ah ça fait plaisir de se faire engueuler alors qu'on vient aux nouvelles ! Merci, tu viens de gâcher 30 minutes de ma vie ! Et je ne sais même pas ce qui me retiens de te raccrocher au nez ! Tu me gonfles Edward, sérieusement, tu me gonfles !

Un petit silence retomba enfin, et Roy fronça les sourcils, espérant désormais qu'il pourrait une placer une. Tout en dévisageant Edward qui lui refilait apparemment son boulot, il porta le combiné prudemment à son oreille, comme si il craignait de devenir sourd.

"Alphonse ? C'est moi. Écoutez-moi bien vous deux, je ne sais pas ce qui se passe entre vous mais si vraiment vous n'arrivez plus à vous comprendre, coupez les ponts et prenez de la distance pour ... un moment."

Conseil de pro by Roy Mustang paru dans son livre "Comment casser avec une femme sans regrets" excepté qu'il avait remplacé le "toujours" par "un moment". C'était son seul et unique petit frère il ne pouvait pas le jeter comme ça. Comment ça son livre s'appliquait pas ici ? Mowéééééééé. Du moment qu'il y a une prise de tête, ça marche à tout les coups. Les frangins Elric étaient probablement en pleine crise d'adolescence tout les deux -surtout le plus jeune-  et devaient se changer un peu les idées afin d'aborder leurs problèmes avec plus de recul.

" Désormais Edward laisse donc ton petit frère vagabonder seul avec son amie d'enfance. Il a quel âge ? 14 ans il me semble ? Mais oui il a la majorité sexuelle il fait ce qu'il veut ! Et si un truc arrive il assumera parfaitement tout seul. "

Hein euh wait ? C'était vrai ça ? Probablement pas.

Attrapant l'ordre de mission , il la considéra un moment avant de la subtiliser adroitement avec un autre dossier sous ses papiers. Il  tendit ensuite au blondinet le document avec un air sérieux, faisant exprès de laisser le téléphone allumé pour que le cadet Elric entende:

" D'ailleurs tu peux y aller tout de suite : ta prochaine mission se passe à Castlerea dans le Sud. On m'a chargé d'envoyer un de mes meilleurs éléments sur le front avec Aruego pour rédiger un rapport dans cette ville. C'est une mission très dangereuse et j'aimerai que tu évites de te faire remarquer. "

A l'origine il ne devait pas donner une mission aussi dangereuse au jeune Fullmetal mais  il le sentait un peu à cran lui et son frère. Qu'importe, il se garda bien de lui dire mais enverrait Armstrong le surveiller. Ça serait en effet dommage qu'il meurt. L'adulte pouvait paraître dur mais il ne voulait pas faire preuve de délicatesse avec les deux frères. Il connaissait ce qu'ils avaient endurés et les prendre pour des martyrs était certainement la dernière chose qu'il allait faire pour eux. Par ailleurs, les frangins n'apprécieraient pas qu'on les prenne tout deux en pitié.

Lorsque le blond leva les yeux du papier il croisa le regard de Roy  qui insista une seconde fois :

" Ne fais rien de stupide et contente-toi de rester derrière les remparts de Castlerea. Des soldats meurent tous les jours de l'autre côté. C'est la guerre là-bas, pas celle que tu as connu dans la campagne à Resembool. Compris ? "

Il finit par reprendre le combiné en déclarant à Alphonse, d'un air plus détaché :

" Toi par contre profite bien de ton séjour avec ta copine ! "