-« T’essayes encore de te faire la belle, Hasashi ? Tu n’en as donc jamais assez de fuir ? Ta fierté doit en prendre un coup, non, à chaque fois que tu quittes le combat ? Je ne sais pas si tu aurais fait un bon effectif dans l’Armée. Mais de toute manière, je ne pense pas que tu comptes t’y engager. »

Les mots de l’alchimiste résonnèrent dans ma tête. Étonnamment, je découvrirais plus tard qu’il m’était impossible de les oublier. J’avais fuis toute ma vie. J’avais passé mon enfance à me cacher, apeurée. Ce n’était pas maintenant que cela pourrait changer. J’avais appris à me battre, à me défendre, j’avais endurci mon caractère, mais la fuite ferait éternellement parti de ma vie. C’était l’un de mes premiers réflexe lorsque j’étais confrontée à une situation délicate, voir difficile. Peu importe ce que les autres penseraient, ils ne pouvaient pas comprendre. Ils ne connaissaient pas la vérité. Personne ne pouvait savoir pourquoi je fuyais et ce que je fuyais. Je baissais la tête, fixant le sol, plus loin, dans la pénombre. J’oubliais son arme pointée sur moi ainsi qu’Aisya elle-même. Je me surpris même à me demander si, pour régler tout mes problèmes, il ne serait pas plus simple de… mourir ? Et puis, qui se soucierait de moi ? « t'as des potes pour te soutenir » disait Greed. Eh bien, ils ne se porteraient pas plus mal sans moi et mes problèmes. Cependant, je m’en voudrais de mourir là, alors que Lin se trouvait quelques part, pas si loin. Il était un bon ami. Et puis, il y avait Ranfan qui devait subir son opération, et je devais aussi me venger de Greed. Puis, je repensais à ma sœur, dont je n’avais plus de nouvelles depuis très longtemps ainsi que le reste de ma famille que je détestais tant. J’avais des comptes à régler avec certains d’entre eux, mais oserais-je les régler un jour ?

-« Mais venons-en au fait. Raconte-moi tout. Dis-moi ce qui s’est passé avec le Xinois. Pourquoi sont-ils deux à se partager son corps ? Est-il devenu ce que l’on nomme homonculus ? »

Je levais la tête vers Aisya. Ainsi, elle n’avait jamais entendu parler des homonculus. Il y a quelques mois, je n’en savais pas plus qu’elle. Que ferait-elle lorsqu’elle apprendrait la sombre vérité ? Tentera-t-elle de tuer Greed ? À moins qu’elle ne s’évanouisse avant. Le sang continuait de couler et elle ne tiendra pas longtemps sur ses jambes. D’ailleurs, moi non plus je ne pourrais tenir très longtemps. Je me sentais faible, dû à la perte de sang. Lorsque je faisais un mouvement de tête trop brusque, ma vue s’embrouillait. Je devais stopper l’hémorragie causée par la blessure à mon épaule pour de bon. Je cessais donc de me perdre dans les méandres de mon esprit pour faire un bandage avec le bout de tissus que j’avais en main. Cependant, c’était difficile de faire ça à un bras. Découragée, je tournais la tête vers Aisya. Je l’avais oublié durant un court instant, elle.

-Lin… comme tu l’as deviné, partage son corps avec une créature nommée Greed. C’est un homonculus. Il est maintenant Immortel, mais ce n’est pas sans conséquence. C’est Greed qui a le contrôle du corps.

Qu’arrivait-il à Lin, justement ? Allait-il bien ? Probablement. Il faudrait que je me pose la question pour l’autre militaire. Était-il encore vivant ?

[Désolé, c'est vraiment court -_-'']

Homonculus.

-« Dis Papa, c’est quoi un honon … un homonculus ? »

-« Un homonculus … c’est une personne disparue qui a eu le droit à une renaissance. C’est une personne placée entre les mains de Dieu. De ce fait, elle se voit accorder une seconde chance. »

-« Est-ce que maman ou le monsieur vont devenir des homonculus ? Est-ce que Dieu va les prendre dans ses bras ? »

-« Je ne sais pas … Peut-être que nous ferions bien de lui demander … Qu’est-ce que tu en dis, Aisya ? »

Renaissance.

-« Que t’arrives-t-il Aisya ? Pourquoi cette mine si triste ? »

-« J’ai demandé à papa si je pouvais fabriquer un nomonlu … un homonculus et il s’est fâché. »

-« Qu’est-ce donc encore ce drôle d’animal-là ? »

Désespoir.

Aisya se souvint. Le jeune homme, le déserteur qui avait demandé asile dans leur demeure. Elle se souvenait. Il avait été sacrifié, échangé. Contre sa mère. Pourquoi ? Afin de la ressusciter. D’en faire, un homonculus. Echange de vies humaines ? Quelle monstruosité ! Comment son père, celui qui avait prit part à sa création avait-il pu se rattacher à une pratique aussi inhumaine !? Par tristesse ? Qu’était-il advenu du soldat ?

Monstre.

L’alchimiste fut pris d’une nausée soudaine. Ayame avait été droit au but dans sa réponse, sans penser que l’homonculus était un sujet tabou pour l’enfant qu’Aisya avait été. Si l’homonculus n’était pas synonyme d’être divin, s’il échouait dans sa naissance, il se réduisait à l’état de monstre informe. Aisya était un monstre, elle aussi. Mais un monstre à visage humain. Ce qu’elle avait vu sur la table de la cuisine, en revenant d’une sortie qu’elle s’était empressée d’oublier, n’avait rien d’humain. Et pourtant, son père le lui avait répété maintes fois :

-« Aisya … Voici ta maman ! Viens lui dire bonjour ! Viens ! »

L’enfant était restée pétrifiée. Elle crut qu’elle allait perdre connaissance lorsque sa « mère » prit la parole, d’une voix rauque et gutturale :

-« Ai … sya, pourquoi … cette mi … cette mine si … triste ? »

La jeune femme déglutit bruyamment alors qu’Ayame voulait en finir au plus vite. Elle ne répondit rien. Elle ne pouvait rien répondre. Trop de souvenirs qu’elle avait mis tant de temps à oublier refaisaient surface. Assaillie par sa propre mémoire, elle porta une main fiévreuse à son crâne, alors que la douleur allait lui faire perdre l’équilibre. Elle percevait le battement de son cœur. Le cœur du monstre. Et, entre deux pulsations, des bruits de pas. Pas de doutes, Lin et Greed allaient arriver d’un moment à un autre, s’ils n’étaient pas déjà là. Elle avait vu, un homonculus. Sa mère ? Le jeune soldat ? Quelque chose ? Quelqu’un.

-« Hasashi … te rends-tu bien compte de ce que tu viens de dire ?! Oserais-tu avouer que quelqu’un a encore transgressé l’Interdit ? »

Ayame ne pouvait pas comprendre le sens du « encore ». Mais Aisya n’était même pas capable de dire si elle était encore dans le présent où si elle était repartie dans le passé, dans la cuisine. En face du monstre. En face de ça.

-« Hasashi … te rends-tu bien compte de ce que tu viens de dire ?! Oserais-tu avouer que quelqu’un a encore transgressé l’Interdit ? »

-« On dirait bien que si… »


Edward et Alphonse avant déjà transgresser cet interdit. Avaient-ils créé une créature semblable lorsqu’ils l’avaient fait ? Qui est-ce qui était assez fou pour créer des êtres comme Greed ? Et puis, est-ce que ces créatures volaient également le corps des humains ? Il y avait trop de questions et peu d’information. Je désirais en savoir plus et c’était probablement le même cas pour Jasdero. L’apparition de Greed était entourée de secrets que nous ne devions même pas être en mesure d’imaginer.

-« Il y a bien des détails qui m’échappent encore et il n’y a que Greed qui puisse y répondre… s’il accepte, ce qui m’étonnerait. »

Un bandage temporaire fait à mon épaule, je m’approchais d’Aisya, avec peine et misère dû à mon équilibre précaire. J’étais étonnée que Lin ne soit toujours pas arrivé jusqu’à nous. Normalement, il nous aurait rapidement repérer. À moins que Greed n’ai décidé de partir ? Après tout, nous n’étions rien pour lui, ça lui servait strictement à rien de nous suivre à la trace. Nous étions donc seules, Jasdero et moi. Cette dernière semblait bien souffrir de ses blessures, à moins que ce soit autre chose. Quoi qu’il en soit, blessée ou non je n’allais pas rester ici. Si elle souhaitait des explications, ce ne serait pas dans de pareilles conditions que je lui donnerais. J’étais à bout de force. J’avais perdu trop de sang et ma vue s’embrouillait par moment.
L’alchimiste de foudre ne bougeait pas, comme si elle était dans ses pensées. Réalisait-elle que j’étais toujours devant elle ? Si elle désirait rester plantée ici, c’était son problème. Pour ma part, je n’allais pas m’attarder.

-« Ce n’est pas que ta compagnie m’est désagréable, malgré que ce soit un peu le cas, mais j’ai mieux à faire que de rester ici. »

Je passais aux côtés de Jasdero dans un silence. Je me souviens encore de cet endroit où nous nous trouvions présentement et où le calme ne régnait pas très souvent. Il y avait toujours des blessés pour discuter ou bien passer le temps en se lançant un ballon d’un lit à l’autre. Il y avait également les infirmières qui passaient régulièrement dorloter leurs patients. Malgré leur grande gentillesse, elles ne se laissaient pas marcher sur les pieds. Je me demandais si maintenant ces aides-soignantes avaient trouvé un meilleur travail, que ce soit dans un hôpital de la ville ou bien ailleurs.

-« Si tu tiens à errer dans ce labyrinthe, libre à toi, mais à voir ta blessure, tu ne tiendras pas longtemps. »

Pourquoi ne pas sortir et la laisser là ? Cela aurait été bien simple et dans le pire des scénarios, elle serait finalement morte au bout de son sang. Cependant, je voyais mal la jeune femme se laisser mourir ainsi ou bien décéder d’une manière aussi stupide. Au fond de moi, je savais que si notre petite chasse, à laquelle nous nous adonnions depuis notre première rencontre, prenait fin, il manquerait quelque chose dans ma vie. La relation que j’entretenais avec Aisya était particulière. On ne saurait dire si nous nous apprécions ou nous détestions. Nous n’étions pas dans le même camp sans pour autant être totalement opposées. Je lâchais un léger soupire d’agacement et m’approchais de nouveau de Jasdero. Je joignis mon pouce et mon index et les fis claquer contre le front de la femme. Ce n’était pas une provocation malgré que cela aurait pu être interprété ainsi.

-« Je ne sais pas pourquoi je suis assez bête pour t’attendre, mais je suis d’humeur à ne pas te laisser pourrir ici. »

Je me dirigeais vers la sortie de cette pièce sombre et empruntait le chemin inverse pour sortir de cet endroit. Je savais que l’air frais me ferait le plus grand bien. Je ne me trompais pas; lorsque je poussais cette même porte que j’avais franchis quelques temps plutôt, je ne fus que soulagée de pouvoir enfin respirée quelque chose d’autre que la poussière. Sans plus attendre, je me dirigeais vers ces petites rues si mal éclairées la nuit, mais semblant si inoffensives le jour, que j’avais si souvent parcourue. Sans savoir si Aisya se trouvait effectivement derrière moi, n’ayant pas la force de me retourner, je lançais mes dernières paroles.

-« Cette conversation est terminée pour l’instant, mais nous la reprendrons un jour, Jasdero ! »

La vue d’Aisya se troublait. Elle aurait pu s’indigner, être choquée par les révélations vagues que lui confiait Ayame. Elle aurait pu s’enflammer, lui poser mille et une questions dont elle n’aurait certainement pas eu les réponses. En effet, la blondinette l’avait averti que, le mieux placé pour répondre à ces éventuelles questions, serait Greed. Toujours ce même nom. Ce vice. Ce péché. Avarice. L’alchimiste ne voulait pas parler avec lui. Elle ne pouvait pas. Tout simplement parce qu’on ne communique pas avec ce qui n’est pas humain. Aisya trouvait ça blasant, les gens qui s’évertuaient à converser avec leurs animaux, du même genre que Fuery avec le chien d’Hawkeye. Elle trouvait ça encore plus atterrant, les vivants s’organisant afin de discuter avec les défunts. Voilà, si l’on devait avoir des choses à redire avec certains, c’était seulement avec les vivants. Les Hommes. Pourtant, dans son raisonnement, quelque chose ne tenait pas. En fait, Aisya ne parlait avec personne, au sens noble du terme. De ce fait, elle n’avait pas grand-chose à reprocher à autrui. Pourtant, elle s’obstinait à se parer de cet air hautain et supérieur, qui lui allait si bien.

Pour le moment, son air n’avait rien de bien glorieux. Chacune de ses blessures saignaient sans arrêt, diluant un liquide rubicond sur son corps recroquevillé. Ça lui allait presque bien, presqu’autant que la supériorité. Seulement, cette apparence de soldat blessé était on ne peut plus éreintante. Un bourdonnement incessant venait l’empêcher d’écouter Ayame, mais elle comprit toutefois que la jeune fille n’avait pas envie de s’attarder ici. Le danger était passé. Greed ne donnait plus aucun signe de vie. Il avait dû s’enfuir pour mieux semer le chaos autour de lui. Elle finirait bien par l’arrêter. Elle y arrivait toujours … Ou pas … Elle faillit décrocher lorsqu’elle reçut la pichenette d’Ayame. Elle rouvrit les yeux et déjà, l’ex-tueuse à gages s’éloignait. Se relevant avec grand peine, et laissant une épaisse traînée de sang derrière elle, elle prit sa suite, prenant allègrement appui contre les murs, se laissant guider sans demander son reste. Finalement, les deux jeunes femmes arrivèrent à l’entrée du bâtiment. Il faisait sombre sur la ville. Aisya n’avait toujours rien dit. Ayame prit congé d’elle. Pas un remerciement venant de la militaire. Rien. Il n’y avait plus que cette coquille vide et amochée.

Ses jambes se dérobèrent sous son poids et elle glissa sur le palier, les mains plaquées sur ses plaies, tentant en vain de ralentir les hémorragies. Elle aurait pu appeler quelqu’un, un civil qui passait par là, un soldat en patrouille. Mais, dès qu’elle tenta enfin de desceller ses lèvres, une gerbe de sang s’étala au sol. Elle considéra la flaque rouge avec une pittoresque indifférence, et étira ses lèvres en un rictus effrayant d’étrangeté. Ce fut ce moment-là que choisis Richard pour entrer sur scène. Il était essoufflé de sa course, preuve qu’il était parti à sa recherche pendant tout ce temps. Un air apeuré masquait toujours son visage, mais ce jour-là, il fut grandement accentué. Il se précipita à sa rencontre, essayant de la redresser. La seule preuve de vie fut les grognements qu’elle lâcha à son intention. Très vite, les secours arrivèrent et, tandis qu’Aisya prenait le chemin de l’infirmerie, une fois de plus, elle se prit à se demander où allait se réfugier Ayame. Allait-elle tenter d’infiltrer un service d’urgence ? Allait-elle choisir sa santé ou sa sécurité ? L’alchimiste aurait pu pousser sa réflexion à plus loin si la douleur qui lançait tous ses membres ne lui avait pas déposé un voile sur les yeux et l’esprit. Elle aurait pu pousser la réflexion à plus loin. Elle aurait pu rager contre elle-même. Malheureusement, cette dernière option, elle aurait parfaitement le temps de l’exécuter …