Mes yeux bruns suivirent attentivement le long d'une des allées marchandes de Central, mon regard s'attarda parfois sur mon colonel qui parlaient à quelques civils, principalement des femmes, malheureusement. Il ne changera jamais... Je sentais dans mon dos, mais également en face de moi, les regards pesants des Amestriens. Certains chuchotaient à mon égard et à celui de mes collègues, d'autres ne se gênaient pas pour le faire ouvertement, comme par provocation, et enfin, d'autres n'en avaient que faire. Je remarquais ainsi que l'armée n'était toujours pas appréciée et bien accueillie par les citoyens. Ne devait-il pas être le contraire, les civils acclament les officiers qui garantissaient leur sécurité ? Non. Pas à Amestris en tous cas. C'était malheureux, n'est-ce pas ? Quelque part, je les comprenais. Ils s'en savaient rien, et la majorité des militaires non plus, mais l'armée était pourrie jusqu'aux hautes sphères. Moi-même je faisais partie d'une petite portion de militaires dits "rebelles". Mais je ne faisais que suivre les ordres de Roy Mustang, l'un des principaux noyaux de cette petite rébellion. Quoique je fasse, j'étais et je resterais un bon chien de l'armée.

J'étais donc attentive à toute tentative de provocation venant de la part des civils. Aussi, je les regardais un à un. Ce n'était pas pour rien que j'étais surnommée "L'Oeil du Faucon", non ? Cependant, pour le moment, je ne voyais rien d'alarmant, si ce n'est que l'Alchimiste de Flammes qui se vantait lui-même auprès de femmes de tout âge. Ne croyez pas que j'étais jalouse. Je ne supportais pas qu'on l'empêche d'avancer vers son but, c'est tout. Bon, c'est vrai que ce n'était pas très grave, ce qu'il faisait en ce moment. Et il se pourrait, je l'avoue, que je sois un peu jalouse qu'il ne soit pas comme ça avec moi.... Bref, je ne fis pas de commentaires en le regardant, ni en regardant Havoc à côté de moi qui semblait désespéré que notre colonel soit si populaire comparé à lui. Je fis un sourire. Vous vous demandez sûrement pourquoi Mustang et toute son équipe se trouvaient dans les rues de Central plutôt que dans leurs bureaux du Quartier Général de la capitale d'Amestris. Tout simplement parce qu'on nous avait chargés d'une petite mission de routine, celle de vérifier que tout se passait bien en ville. Pourquoi nous ? Puisqu'il était connu que l'alchimiste de Flammes soit plutôt apprécié des citoyens, mais pas par tous non plus. Visiblement, mon rapport ne serait pas des plus palpitants puisqu'il ne se passait rien du tout. Je n'allais tout de même par racontrer qu'au lieu de faire son travail, le colonel Mustang roucoulait avec tous les femmes aux alentours. Quoique, j'en étais plutôt capable. Rien qu'une petite vengeance pour tout son travail qu'il ne faisait pas dans les temps ne pouvait me faire de mal et à lui non plus.

Subitement, je sentis comme un regard contre nous. C'est vrai qu'on nous regardait beaucoup, nous, les hommes en uniformes, mais ce regard était différent. Vivement, je me retournais et cherchais quelle était la cause de mon inquiéude. Mais je ne vis rien. Seulement pendant une fraction de seconde, je crus apercevoir un homme dans un coin de rue, mais il disparut aussi vite qu'il était apparu. Au cas où il réaparaissait encore, je gardais mes yeux fixés à cet endroit, mais rien. L'adjudant Fuery me demanda poliment si ça allait, puisque je semblais avoir vu comme un fantôme. Rapidement, j'essayais de le rassurer en disant que je croyais avoir vu quelque chose, ce qui n'était pas complètement faux. En même temps, j'essayais de me rassurer moi-même. Je n'avais pas peur, mais je n'étais pas tranquille non plus. Roy Mustang était un alchimiste d'état qui se faisait beaucoup remarquer, tout de même. Peut-être moins qu'Edward Elric, qui me faisait parfois peur à faire autant de folies. C'est vrai que j'avais toujours eu pitié de lui, un pauvre gamin jetté dans toutes ces histoires, avec son frère en armure vide, et que j'avais presque tendance à les considérer comme les deux fils que je n'avais jamais eus. Instinct féminin et maternel, je suppose. Mais en qui concerne Roy, le problème était qu'il aimait bien se montrer en public et en mettre plein la vue à tout le monde. Avec moi, ça ne marchait pas vraiment, de une parce que j'avais toujours eu une attitude neutre et impassible depuis la triste guerre d'Ishbal, de deux parce que j'étais habituée. Cet homme était parfois désespérant. Et donc, à avoir cette attitude, il était normal qu'il s'attire les foudres de n'importe qui et ça va parfois jusqu'à l'agression. C'était également pour là que j'étais là, pour le protéger de ce genre de choses et nettoyer son chemin jusqu'au poste de généralissime. Je suis celle qui agit dans l'ombre, en fait.

Pour le moment, j'essayais de ne pas trop penser à ce regard pesant, mais il persistait. Environ un quart d'heure plus tard, ou peut-être un peu plus, il était temps de partir. La voiture que nous avions pris pour venir était encore là, aussi nous nous y dirigions. Le colonel y entra en premier, suivit de Havoc et des autres. Je m'apprêtais aussi à y entrer, quand, en jettant un dernier regard pour vérifier le calme de la rue, je le vis encore, cet homme, toujours dans le même coin de la rue. Cette fois-ci, il ne disparut pas aussi vite que la dernière fois, et, au contraire, il resta là. Il semblait avoir remarqué que je l'avais vu. Je ne comptais pas le laisser filer, il me paraissait trop louche pour ça. J'annonçais à mon équipe que j'avais encore quelque chose à faire avant de retourner au QG. J'essayais à présent une technique plus ou moins rusée. C'était un coup classique de contourner sa "proie", mais tant pis. Je pris une rue à ma gauche, puis une série de petites ruelles, jusqu'à me retrouver dans le dos de l'inconnu que je visais. Mes pas résonnait contre les pavés et les murs, je tentais de me faire silencieuse. Enfin, cela ne servait pas à grand-chose, il devait sûrement savoir que j'étais là. Je sortis mon neuf millimètres de l'intérieur de ma veste et le braqua d'un rapide geste sur le dos du crâne de l'homme. Je ne me gênais pas pour appuyer un peu afin que le canon du l'arme à feu touche bien sa tête. Impassible, j'ouvris la bouche.

« Je n'aime pas quand on regarde les gens de loin. Vous êtes ? »

J'avais toujours gardé mon sang-froid. Le calme et l'impassibilité dont je faisait preuve la plupart du temps faisaient tous deux partie de moi, de mon caractère, notamment en présence de mes supérieurs ou d'inconnus, avec qui j'avais toujours une attitude distante, formant une carapace presque impénétrable autour de moi. Je me méfiais d'eux, toujours, et je ne cherchais pas non plus à cacher cette impression d'eux que j'avais. Les seules fois où je laissais apparaître mes émotions étaient en présence d'êtres chers à qui je tenais et qui méritaient vraiment ma confiance, et je ferrais tout pour eux. Surtout pour lui. Mais lui est mon point faible, j'en ai conscience. Il n'y aura jamais rien qui me fera flancher. Sauf lui. Et à présent, lui n'était pas là et je gardais un calme exemplaire, regardant le dos de la tête de cet homme inconnu et qui ne m'inspirait pas confiance, à la façon dont il observait le colonel Mustang. Je dois avouer que le contourner pour arriver dans son dos n'était pas forcément une tactique très pertinente, mais j'avais le sentiment que d'arriver directement en face de lui n'était pas une bonne idée. Je ne bougeais pas d'un poil, parlant calmement et en ayant mon arme à feu toujours pointée sur le plein centre du crâne de l'homme. Avant de le viser avec ladite arme, il me semblait qu'il avait bouger, rangeant quelque chose dans son sac, à moins que mes yeux me jouent des tours. Ce qui m'étonnerait vraiment, je n'étais pas l'Oeil du Faucon pour rien, tout de même. Il parla en levant les mains. Je ne voyais pas son visage, mais j'imagine qu'il souriait vu le ton qu'il utilisait pour parler. J'imaginais parfaitement une sorte de sourire en coin sur son visage que j'avais à peine aperçu en compagnie de mes collègues.

« Je suis Adalam Recen, journaliste... A moins que vous n'aimiez pas mes articles, auquel cas je pourrais bien être quelqu'un d'autre si cela peut m'éviter d'être abattu dans la rue devant tant de témoins. »

Je lisais souvent le journal. C'est vrai que cela peut-être étonnant venant de ma part, mais je n'aimais qu'une information, aussi inutile soit elle, m'échappe, et le journal était parfait pour éviter ça. Quoiqu'il en soit, je lisais toujours attentivement les journaux et le nom d'Adalam Recen ne me disait rien du tout. Peut-être que j'avais simplement oublié ce nom ou qu'il rédigeait des articles pour d'autres journaux, mais dans tous les cas, je ne comptais pas le tuer contrairement à ce qu'il semblait croire. Je n'étais pas comme ça. J'étais vraiment sûre qu'il disait la vérité à propos de son identité ; et oui, je me méfiais. Maintenant, je voulais connaître ses intentions, qui ne devaient pas être si jolies que ça. Espionner les gens comme il le faisait, bien caché, même si ce n'était que pour des articles, cela cachait forcément quelque chose. Mon instinct me trompe rarement, mais peut-être qu'aujourd'hui, c'était le cas. Enfin, je n'en savais rien et comptais bien le savoir.

« Si jamais vous deviez me tuer, vous pourriez au moins le faire en face. Je pourrais au moins emporter la vision d'une demoiselle avec moi grâce à ça, et pas une vue aussi peut réjouissante que celle qui m’afflige en ce moment.
- Rassurez-vous, je n'élimine pas les gens sans bonnes raisons. Et si vous vous retourniez ? »

C'était vrai, totalement vrai. Je fronçais légèrement les sourcils, ravivant encore plus la flamme dans mes yeux qui traduisaient parfaitement quelle genre de personne j'étais. Déterminée, juste et soucieuse de bien faire. Enfin je crois. Donc, pour le moment, malgré le fait que sa voix était suave à souhait et que cela ne me faisait rien - j'étais habituée à toutes sortes de techniques de drague, ne cachons pas la vérité - et que je le trouvais toujours aussi suspect, il ne me semblait pas "violent" ou quelque chose d'autre. Aussi je baissais mon arme, à peine plus tranquille. Mes yeux sondaient cette personne, essayant de savoir qui elle était vraiment. Je posais une autre question, allant droit au but. Cependant, ma voix n'était pas sévère. J'étais calme, tout simplement.

« Pour quel journal écrivez-vous ? »