Les exquises mains laiteuses de l’alchimiste de soin nouèrent les lacets du tablier dans le creux de son dos, qu’elle gaina de plus belle afin de bien resserrer le lien. Puis, elle se saisit d’une marmite en cuivre préalablement remplie d’eau que la jeune femme installa habillement sur le réchaud auquel elle attisa le gaz. Elle put en embraser le butane suite à un craquement d’allumette et après en avoir approché la flamme. En définitif, sans connaître la réponse de son invité, elle prit l’initiative de mitonner le bouillon de poulet accompagné de blancs de chaperon et de caille. Accessoirement, elle glissa un plat de volaille farci dans le four, une fois que la viande blanche fut arrosée d’un peu d’huile, de sel, de poivre, d’aromates et d’eau. Du coin de l’œil, Clothilde surveillait l’homonculus qui semblait prendre ses aises, voir trop, se prélassant à cœur ouvert dans les tissus moelleux et duveteux du sofa. Malgré un toupet impertinent et une remarque plus que déplacée, l’appartement paraissait grandement lui convenir, ce qui était relativement flatteur. Greed avait auparavant évoqué le préjugé comme quoi, tout cette richesse, elle le devait à son généreux salaire de chien à la botte de l’armée. Ce n’était ni totalement vrai, ni totalement faux, il était exact que Central récompensait gracieusement les rares alchimistes enrôlés au sein de l’état, cependant, ce ne fut pas en roulant des hanches qu’elle réussit à monter en grade mais bien à l’aide de ses talentueuses compétences durement acquises au fil des années. Toutefois, elle se dispensa de justifier, après tout, il n’avait pas tort, et puis, elle l’avait suffisamment contrarié jusqu’à présent. Le médecin commençait à réunir ses ingrédients quand la stupeur de son hôte perturba la sérénité de son foyer. En effet, son chiot de huit mois, habituellement anxieux et timide, s’était jeté tout croc dehors sur le mollet de l’homonculus. A tous les coups, cette attaque allait le faire enrager, lui qui ne désirait qu’un peu de quiétude !... Alors qu’elle présageait un nouveau râle de sa part, quelle ne fut pas sa surprise d’apercevoir Greed agripper l’animal puis le soulever en gazouillant de façon gâteuse, apparemment ravi de rencontrer son compagnon le plus fidèle à ses jours.

- « Uh uh, quel bon p'tit toutou, tu garde bien ta maison hein ? Oh oui oui, uh uh, comment il s'appelle celui là ? »

Tout en s’adossant au mur de sa cuisine, elle croisa les bras contre sa poitrine, entrelaçant l’une de ses jambes à l’autre, le sourire aux lèvres avant de hausser brièvement les épaules et en penchant furtivement la tête sur le coté.

- « C’est Hitsu Brown. Je l’ai trouvé tout chétif dans le fond d’un vieux caddie en plein trottoir. »

Sur ce, elle topa deux fois le parquet de son talon suivi d’un claquement de langue comme pour rappeler son chiot à l’ordre, qui lui ne tarda pas à galoper maladroitement sur le sol pour venir strictement s’accroupir aux pieds de son maître, le regard plein d’amour. En se cambrant, elle offrit une bienveillante bise sur le front poilu du canin, qui répondit du tac au tac par un souffle mêlé d’un couinement plaintif. Décidemment, cette brave bête n’était qu’un flot infini de tendresse et de reconnaissance. Ensuite, l’alchimiste redressa le torse au moment même ou son invité rouvrit la bouche pour s’exprimer, et ce de manière moins enthousiaste.

- « Je te laisse voir avec ce goinfre, j'y connais rien moi à votre bouffe d'humain. »

Il clôtura lentement ses paupières tel un sage voulant atteindre la paix éternelle, puis s’espaça quelques secondes avant qu’il ne les rouvre. Clothilde s’interrogea sur sa précédente phrase ; de qui voulait-il parler déjà ? Elle ne fut pas longue à se rappeler qu’il évoquait évidemment sa seconde personnalité, qui était encore bien un mystère pour cette infirmière. L’index appuyé contre sa tempe, elle espérait qu’il ne s’emporte pas, et qu’ils finissent par bien s’entendre. Il était juste important de ne pas le brusquer, de plus, seul l’homonculus l’intéressait. Elle avait tant de questions à lui poser qu’elle regretta bientôt de lui avoir proposé le dîner. Néanmoins, cela lui permit de savoir qu’un homonculi ne mange pas. La prochaine fois, elle sera avisée.

- « Je veux le poulet ! »

Maintenant, elle était en présence d’un garçonnet au physique identique à Greed, mais saturé d’espièglerie. Aussi indécent que son colocataire, il eut même le culot en arpentant SA maison d’entrer dans SA chambre qu’elle avait interdit auparavant. Bon sang, était-il ignorant de tout ce que Greed pouvait bien entendre ou faisait-il la sourde oreille dans le seul but de l’asticoter ? Et alors qu’il retournait s’agenouiller dans les capitons de son divan, il suréleva son menton pointu, évaluant la maîtresse des lieux d’une œillade suspicieuse et la bouche étirée d’un rictus dédaigneux.

- « Je veux bien goûter ta cuisine, Amestrienne, ça te pardonnera ton acte de tout à l'heure. On n'embrasse pas impunément un des fils de l'empereur, sans son autorisation. »

Clothilde entrebâilla promptement les paupières d’un air éberlué, supposant avoir mal perçu sa réplique. Ce n’était pas banal ça, antérieurement, elle fut accostée par un être étiqueté comme surnaturel, et maintenant, voila que le fils d’un empereur s’invitait à sa table. En parlant de ça, l’eau en ébullition de sa marmite la contraignit à regagner ses fourneaux, empoignant au vol quelques pommes de terre, rutabagas, carottes, échalotes, un oignon et enfin de nombreuses épices à adjoindre en début de bouillon, tels que le thym ou le laurier. La jeune femme s’empressa d’émincer avec minutie chaque légume qu’elle plongeait progressivement dans le potage, la marmite alors pétillante d’odeurs savoureuses. Pour finir, elle plongea l’une des carcasses de chaperon dans la cocotte, puis la laissa aux bons soins de la soupe qui bouillait. De son coté, Clothilde se mit à dresser la table d’un napperon puis de quatre assiettes en porcelaine fragiles mais d’une extrême délicatesse (ça coûte cher), l’une pour le consommé, et l’autre pour la chair. Pour terminer, elle disposa le reste des couverts contre le meuble et servit un jus de fruit dans chaque coupe en verre. Ce ne fut qu’après avoir placé, par pure coquetterie, un ravissant vase fleuri sur l’un des rebords que le médecin convia son pensionnaire à s’asseoir sur un siège. Avant de s’attabler à son tour, elle versa une grande lampée de consommé agrémenté de croutons dans le creux de la soucoupe de son convive, suivi de plantureux morceaux de caille et de poulet dans sa seconde écuelle. Ce n’est qu’après cette politesse qu’elle osa se servir une mince portion de vivres. Et également aborder la conversation avec sa nouvelle connaissance.

- « Bon, et bien, je suis enchantée de vous rencontrer dans un contexte bien plus pudibond. Je m’excuse de mon précédent comportement qui était très irrespectueux. J’ai parfois un peu tendance à m’emballer, mais retenez que cela ne vous était absolument pas adressé, j’ignorai que vous habitiez le même corps, déclara-t-elle dans un sourire embarrassé, pourtant, je suis curieuse sur comment vous êtes-vous retrouvé dans une pareille situation ? Comment deux entités peuvent-elles partager la même envellope charnelle ?!.. »

Durant l’espace d’un instant, seul le tintement strident des couverts aplanissait l’ambiance du souper. Enfournant sans hâte chaque bouchée et prenant pour ainsi dire le temps de mastiquer et de savourer, l’alchimiste se ravit toutefois du généreux appétit de son jeune convive, qui semblait jouir du mérite de sa cuisine. La matrone n’était pas en soi un illustre cordon bleu, mais à force de s’exercer aux recettes les plus modestes, elle excellait dorénavant dans l’art de relever le goût de chaque aliment. Elle assuma même l’initiative d’agrémenter à nouveau ses pièces de volaille de sauce brune mijotant dans la cocotte en pyrex. Depuis son siège, elle observait le Xénois se régaler de son déjeuner, et l’expression béate de celui-ci lui arracha un sourire maternel qui s’étirait au fur et à mesure qu’elle appuyait son menton contre ses poings enlacés. C’était néanmoins assez étrange de passer du tout au tout ; il y a peu, c’était un bel et séduisant homme saturé d’assurance qui conversait à ses cotés, et voila que suite à une relève, elle se retrouvait face à un solide garçonnet d’à peine âgé de sa majorité, et forgé d’une coriace gourmandise. L’adolescent prit d’ailleurs la parole, coupant court au silence gustatif, pour répondre à sa précédente requête. Clothilde s’était interrompue de manger afin d’écouter et de boire avec attention le périple de son récit, torturant au passage ses méninges de quelques interrogations spontanées. Cet imprudent possédait apparemment d’alléchantes ressources sur le phénomène des homonculus, révélant d’ailleurs en avoir fréquenté de près, au centre même de leur création ! Cette rencontre allait au delà des espérances imaginées, il pourrait même compléter quelques unes de ses lacunes, même si au cœur de ce domaine, Greed se révélerait être un bien meilleur professeur. Toutefois, si l’homonculi s’avérait devenir réticent sur un renseignement en particulier, elle viendrait peut-être gratter à la porte de son colocataire. Sauf si dans le cas contraire, les deux personnalités, à son grand regret, s’allieraient comme les cinq doigts de la main. Elle n’espérait pas une guerre mutuelle civile de leur part mais peut-être un subtil désaccord au niveau de leurs mentalités respectives, donc pour résumer, une mauvaise cohabitation.
...Quoique, toute cette histoire ne réglait pas du tout son problème de charme ! Et qui dit mésentente dit automatiquement non-respect des envies et besoins de chacun. La jeune femme ne put s’empêcher de relâcher brusquement son front alourdi contre ses deux poignets soutenus par ses coudes, accentuant sa contrariété par un discret regard froncé et désabusé. Flûte alors, elle qui pensait associer ces bien belles révélations avec une affriolante petite soirée afin de clôturer la nuit en beauté, c’était bien mal parti. Puis c’est en rehaussant son visage et dans un court laps de temps, qu’elle s’aperçut du soudain mutisme de son invité. En effet, il se tenait à présent aussi muet qu’une carpe et accablé qu’un repris de justice condamné à mort. Son attitude il y a quelque minute gorgée de vie et de jovialité, s’était muée en une tourmente détresse. L’envie ne manquait pas, mais le médecin dut se résoudre à respecter son silence, les yeux baissés en direction de sa tasse tiède de lait tout en touillant faiblement avec la cuillère. Et tout en portant l’ustensile à sa bouche, le clandestin revint précipitamment à lui en affichant derechef un chaleureux sourire qu’il troqua en rictus à la fin de son discours.

"Je rentrerai bien à Xing avec cette immortalité, mais je dois non seulement atteindre le retour de mes camarades, et je dois aussi subir les caprices de cet homonculus qui... enfin, qui a d'autres plans grossiers."

Alors qu’elle entrouvrait la bouche afin d’approfondir sur ce qu’il appelle « ses camarades », le jeune homme continua sur sa lancée, festoyant toujours aussi gaiement et entassant à une allure incroyable l’assiette de morceaux de carcasse entièrement nettoyés de leur chair. Clothilde suivait d’ailleurs des yeux écarquillés la vitesse à laquelle son convive gobait la viande blanche, et ce, sans s’étouffer. Elle lui aurait présente une boule de bowling en guise de muffin que cela n’aurait rien changer et qu’il l’aurait avalé tout rond.

"Vous avez l'air de beaucoup vous intéresser à ce sujet. Vous avez des connaissances sur les Homonculi non ? Il y a tant de livres qui parlent de ce genre de choses à votre bibliothèque."

Elle suivit le cursif mouvement de tête qui désigna son vaisselier dont elle en avait détourné l’usage principal afin d’en créer une bibliothèque. On n’imagine pas à quel point ces meubles sont vastes et larges, il était aisé d’y ranger ses nombreux et précieux livres d’alchimie. Ses recherches sur les homonculus n’étaient au final qu’un complément de ses études dans l’alchimie en général, c’était simplement que le thème abordé était beaucoup plus palpitant par rapport aux autres, cela relevait de la science fiction, du surnaturel. Contrairement à ses collègues, l’immortalité ne l’intéressait pas vraiment, c’était un souhait bien trop égocentrique, et puis vraiment, quel intérêt de vivre éternellement si votre environnement et votre entourage, se dégrade au fil du temps avant de disparaitre. Il faudrait être un humain sans attache pour pouvoir exister sans compter sur personne. Hors, aucun homme n’est capable de durer sans quiconque qui l’entoure. Il finirait simplement par dépérir de solitude puisqu’il s’agit d’un châtiment pire que le trépas en soi. L’alchimiste reporta son vigilance vers son interlocuteur, ayant eu un léger moment d’absence.

"Enfin, pour une alchimiste d'état, le contraire me surprendrait assez... Pour ma part, je sais juste qu'ils sont crées par un être qui leur est supérieur. D'ailleurs j'ai pu le rencontrer, même si ça m'a couté quelques... difficultés."

Effectivement, ce petit fouineur avait le regard bien baladeur, mais d’un autre coté, ce n’était pas bonbon à deviner. Encore une fois, il évoqua un « être supérieur », probablement le « Père » que l’homonculus de l’avarice avait abordé précédemment. Il faudrait qu’elle en discute davantage avec l’autre Harpagon étant donné qu’il provient de la source. La matrone ne put réprimer un rictus moqueur qui la fit doucement ricaner, et ce, tout en plissant les paupières. Un homme qui enfanterait, jamais vu ça. Qui c’est, était-ce peut-être aussi une évolution dans l’origine de l’espèce que d’apprendre de manière innée à la gente masculine de torcher les fesses à Junior.
La pharmacienne s’appuya sur la bordure de table afin de se hisser de sa chaise enrobée d’un épais coussin de velours rouge moelleux, pour ensuite débarrasser proprement son meuble rustique, replier la nappe et véhiculer l’argenterie à présent sale jusque dans l’évier. Enfin, elle pivota sur elle-même afin d’accouder ses paumes de mains retournées contre le métal du lavabo, le dos cambrée en arrière et la tête confortablement calée dans le creux de ses épaules.

« Bon, après notre balade enneigée, mon corps tremble encore du froid mordant, vous ne m’en voudrez pas trop si je m’absente pour un bon bain le temps que vous visitiez vos appartements ? dit-elle en inclinant sa joue sur le coté, à votre tour, vous pourrez également profiter de l’eau chaude si cela vous tente. »

Sur ce, elle s’éclipsa subitement dans la salle de bain dont elle mura la porte sans verrouiller. Bon, elle l’admettait, ce ne serait pas particulièrement désagréable d’être surprise par un si beau jeune garçon, mais aussi, les portes fermaient parfaitement bien sans que l’on ait besoin de cadenasser la serrure. Ses doigts vinrent ouvrir la vanne dont l’eau fuit comme un lièvre du joint et ainsi remplir l’ample baignoire en fonte. Et sans rajouter aucun superflu qui viendrait perturber l’eau chaude translucide sur laquelle les vapeurs valsent, Clothilde y glissa une jambe, puis l’autre jusqu’à imprégner toute sa silhouette, lâchant bruyamment une exclamation de bonheur suivi d’un petit gloussement. Bon sang qu’elle en rêvait de cette relaxation. La situation était à exploiter de cette détente et rien d’autre. Enfin si, maintenir un minimum la discussion pour ne pas irrité son convié qui se sentirait alors délaissé. C’est pourquoi elle poursuivit naturellement la conversation comme si de rien n’était, après tout, la chambre d’ami n’était qu’à l’angle du sanitaire.

« Si j’étudie les Homonculus, c’est principalement pour la régénération. S’il était possible pour le peuple de régénérer automatiquement comme ces créatures, ce serait une immense avancée dans le progrès de la science. Enfin, c’est à réfléchir puisqu’il y faut peser le pour du contre, ce n’est pas sans conséquences...glapit l’alchimiste depuis la pièce, tout en se rinçant sa peau lactée, dans la petite commode à gauche de votre dortoir, il y a à disposition des pyjamas blancs propres, servez-vous donc ! »

De fiévreuses vapeurs d'eau de bain s'évanouissaient depuis la peau opaline du médecin alchimiste. Les cheveux auburn ondoyant jusqu'à entourer le pourtour de son cou à la surface de l'eau, Clothilde s'abandonnait au confort de la fervente chaleur du therme. Ses paupières se clôturent, le visage s'embourbant peu à peu dans le bassin, les joues se teintant d'une jolie couleur chair vermeil, et son soupir se muant en une valse de petites bulles nacrées. Elle glissa ses doigts via l'intérieur de sa chevelure, réunissant les épis fugitifs vers la masse matrice. Ses tempes étant à moitié émergées, elle ne percevrait à présent presque plus aucun bruits. Ou presque, ils étaient simplement flouté et brouillé par les ondes liquides. Ce qui interpella la pharmacienne qui reprit bientôt ses esprits, son inattention pouvant être très mal perçue par son invité qui se sentirait délaissé. Tout en s'appuyant sur ses coudes, elle se hissa vers l'avant, quelques mèches venant se disséminer le long de ses épaules immergées. Subitement, la voix sévère du Xénois interrompit la sérénité du sanitaire, martelant les murs d'une faible résonance.

"Vous savez... je ne pense pas que pierre philosophale être réellement une solution pour soigner les mourants et les malades. Après tout, il y a l'élixirologie de mon pays, et votre alchimie qui s'en rapproche beaucoup. Même si j'ai mes raisons personnelles de vouloir me l'approprier et la ramener chez moi, je ne crois pas que cette "chose" soit bénéfique à l'avenir des hommes d'un quelconque pays. Je sens qu'au contraire, elle est très mauvaise... destructrice, et pleine de souffrance."

Oui, les paroles du jeune Empereur lui rappelèrent celles de l'homonculus de l'Avarice énoncées auparavant, au moment où elle avait tenté une démonstration (grossière) de son élixirologie. Et aussi lors de leur rencontre au bar, lorsque Greed fut lui-même submergé par sa propre démence. L'alchimiste fronça les sourcils. Au cours de leur discussion, elle avait également cité l'ethnie des ishvals, une évocation que l'homonculus n'avait nié, et même abordé le fait qu'il puisse y avoir d'autres victimes. La jeune femme se saisit des accoudoirs de la baignoire, exerçant une poussée grâce à ses jambes contre le carrelé afin de prudemment se relever et ainsi se remettre debout. Une pluie de gouttes perlées poursuivaient leur course le long des hanches puis des cuisses de la pharmacienne jusqu'à choir lourdement puis imperceptiblement dans l'étendue d'eau, telle un retour originel. L'alchimiste enjamba le bain et empoigna son peignoir élégamment suspendu à un rustique porte-manteau. Tout en nouant les rubans de lin et en boutonnant les accroches de cuivre, elle se campa face à un évier adoptant la forme d'une bassine, avec sur les corniches de nombreux produits de toilette, brosses à cheveux et maquillage. Clothilde agrippa un peigne en ivoire qu'elle fit coulisser le long de sa coiffe encore humide, l'esprit un peu absorbé dans le vague et la torpeur. Son reflet dans le miroir affichait un minois à la réflexion lointaine. En vérité, elle était plutôt perplexe, et à la fois frustrée d'avoir été aussi ignorante sur le sujet de la pierre phylosophale. Elle ne se sentait pas importante dans cette histoire, ou plutôt que ça ne la concernait pas. Que faire ? Elle ne pouvait pas en parler, personne ne croirait à une réalité pareille. Et puis même, quel serait son rôle, c'est une situation bien trop éminente pour pouvoir s'y intégrer. Tout ce qu'elle pouvait faire au final, ce serait probablement d'assimiler toutes ces informations, adresser ses adieux à ce personnage aux deux personnalités, et puis plus rien. Continuer son petit bonhomme de chemin, sans pouvoir réagir car c'est quelque chose qui nous dépasse.
Le médecin effeuilla une mèche de cheveux, tout en contemplant son image sans vraiment la voir. Jusqu'à que le Xénois rattrape la conversation, avec cette fois, un timbre de voix plus repenti.

« Tiens justement j’y pense. Cela ne vous fait pas peur à vous ? De savoir qu’une telle puissance exister dans la nature ? Enfin je suppose que vous, les gens de ce pays, avez l’habitude de faire la guerre avec l’alchimie. Mais moi quand j’ai rencontré leur supérieur à ces Homonculi, j’étais terrifié et je me suis même demandé si j’étais réellement éveillé. En fait, j’espère que vous ne le rencontrerez jamais. »

Avec le peu auquel elle avait pu assister, elle n'avait pour l'instant pas une véritable notion sur toute l'étendue du pouvoir dont était capable ce joyau légendaire. Clothilde entreprit de ranger la salle de bain à l'atmosphère encore étouffante, en aérant le cabinet grâce à une fenêtre de bois vitrée et en proposant de nouvelles serviette en coton blanc à disposition. Une fois ces tâches accomplies, Clothilde fît à nouveau couler les vannes en laiton, laissant le bain se remplir d'eau brûlante dans le but d'accueillir l'invité suivant. Puis, ses doigts à la nuance laiteuse vinrent agripper la poignée de porte, qui s'actionna dans un claquement sourd. Le battant de bois se dissocia de son encadrement, révélant peu à peu la présence de l'alchimiste qui s'introduit dans son salon, à proximité de Lin Yao. Alors qu'elle épongeait encore sa chevelure trempée à l'aide d'un linge, ses lunettes ovales peintes de buée et emprisonnée dans sa main gauche, son convive fondé en position du tailleur l'interpella.

« Vous n’avez pas d’autres question ? »

La jeune femme termina de frictionner son crâne en s'avançant vers sa cuisinière, où trônaient son service de table parfaitement nettoyé et rincé. Elle harponna une théière dénichée dans ses placards, dans laquelle elle inséra de l'eau fraîche. Peu de temps après, le récipient se mit à gargouiller et à fulminer sur le réchaud embrasant le socle en fonte. Le médecin fit plonger un mélange de thé au jasmin séché, puis remua grâce à une petite spatule bois polie. Une douce saveur de plantes aromatiques parfuma bientôt l'ensemble de l'étage supérieur. Deux tasses en porcelaine de chine furent bientôt imprégnées de ce doux fumet, des effluves dansantes à la surface des godets. L'alchimiste se saisit de l'une des deux par son support, afin d'aller en suggérer au Xénois.

" C'est très aimable à vous de m'avoir aider à la cuisine en astiquant la vaisselle, cela me fera un labeur de moins. Et oui, j'ai d'autres questions."

Elle porta le thé fumant à ses lèvres, en sirota une gorgée avant de reposer le verre sur sa base dans un grincement aigu.

"Vous semblez avoir subi beaucoup de choses, et surtout, ce "supérieur" donc vous parlez m'intrigue. A quoi ressemble-t-il ? En a-t-on connaissance dans Amestris ? Qui est concerné par la pierre philosophale ?... A quoi doit-on s'attendre ?... Est-ce qu'il s'agit d'une grande menace ? Qu'est-ce qui se trame ?..."

Elle avait enchainé ses questions, car elles foisonnaient dans ses pensées. Il y avait trop à savoir pour n'en poser qu'une seule à la fois.

"Comment une pierre philosophale qui à l'origine, n'était jugée que légendaire puisse prendre une place aussi cruciale maintenant ?"

Son front se crispa d'autant plus en constatant que toutes ces manigances étaient dissimulées aux yeux de tous. Ça ne présageait rien de bon, vraiment pas. Et elle allait passer une nuit bien agitée, après toute cette collecte de renseignements. Dans un hochement de tête sur le coté, elle indiqua à son hôte la direction de la salle de bain, sa tasse de thé toujours maintenue au creux de ses paumes de mains.

"Bon, si vous le souhaitez, les sanitaires sont libres avec un bain à votre disposition, ainsi que des savons. Si vous avez besoin d'aide, je serai à coté, l'isolation entre ma chambre et la salle de bain est mauvaise donc vous pourrez continuer à me parler."