Encore un échec. Rien n’y faisait, Jasper Crown ne parvenait pas à trouver le chaînon manquant qui lui aurait permit de se rapprocher de la pierre philosophale. Ce petit fragment qu’il détenait depuis maintenant quatre ans, cette petite pierre rougeâtre et lisse était loin d’être ce fabuleux artefact. Cela, il s’en était douté dès les premiers instants après qu’elle soit entrée en sa possession. En quatre années de recherches, discrètes mais véhémentes, il n’avait pas encore pu effectuer le moindre lien entre ce joyaux rouge aux propriétés alchimiques étonnantes, et la légendaire pierre capable de briser la loi de l’équivalence et de ramener les morts à la vie. Du moins, c’était ce que les légendes en disaient… mais les légendes ne sont que des légendes. L’idée que cette pierre ne fut qu’un compte de bonne femme lui venait souvent à l’esprit, mais en tant qu’Alchimiste avant tout, il avait l’esprit rêveur et ambitieux, cet esprit qu’ont les chercheurs, cet esprit pointilleux et astucieux qui les pousse à toujours aller plus loin et tenter de provoquer les choses les plus abstraites pour en faire une réalité et briser les mythes. Oui, le jeune Alchimiste avait cet esprit taciturne et patient qui lui donnait sur le long terme de grands résultats… mais pas cette fois, ce qui le frustrait au plus au point mais le laissait également dans le doute: cherchait-il une chimère, un fantasme? Et quelle était la vraie nature de son propre artefact? Aucune idée, trop d’inconnues dans l’équation pour qu’il puisse la résoudre. Pourtant, il connaissait la clé de son mystère: le Docteur Marcoh. Si il le trouvait, il trouverait les réponses. Mais il était porté disparu, fugitif de l’armée suite à la guerre d’Ishbal. Pour résumer la situation, Jasper Crown était à la poursuite d’un fantôme qui l’éclairerait peut-être sur un fantasme. Il cherchait du vide, et rien de plus.

Déposant avec hargne son crayon de bois, il se laissa aller contre le bureau de sa chambre en s’y accoudant, déposant son front dans la paume de ses mains jointes. La fatigue d’une nuit blanche d’avoir cru trouver une hypothèse valable se lisait sur ses traits tirés et l’agacement de s’être une nouvelle fois fourvoyé était des plus visibles sur son visage exténué. Fermant les yeux, il se laissa aller là en réfléchissant. Que faire? Consulter les données de l’armée? Non, il n’était pas assez haut placé dans la hiérarchie pour avoir accès à des documents sur une chose aussi puissante, si tant est qu’ils existèrent et furent encore de ce monde. Il se redressa finalement pour prendre une feuille blanche qui n’était plus vierge du tout, couverte de gribouillis incompréhensibles et griffonnée de toute part, avant de l’écraser et la plier en boule avec énervement pour la jeter dans la poubelle au coin de sa chambre, qu’il rata pour couronner le tout. Il était réellement sur les nerfs à cause de cette histoire, il détestait ne pouvoir trouver la solution à une énigme alchimique alors qu’il détenait là un élément important: la pierre. La pierre n’était certes pas philosophale mais elle possédait tout de même des propriétés alchimiques indéniables, et permettait de réaliser des transmutations complexes. Comme si les matériaux requis étaient contenus dans cette pierre… non, improbable. Quel mécanisme complexe aurait bien pu permettre à la matière d’avoir une cohésion parfaite dans une si petite forme? C’était au-delà de toute compréhension, et le Major ne comprenait pas comment une telle chose fut possible, même dans un fantasme. L’humanité avait encore tant de choses à apprendre… tant de choses qui restaient mystérieuses et recouvertes d’ombre. Jetant un regard circulaire dans la pièce, un de ces regards qui s’étendent comme des coups d’épervier, il s’arrêta sur une commode de bois finement travaillée et se leva de sa chaise pour se déplacer jusqu’à elle. Plaçant une main sur la clé qui la verrouillait mais qui était toujours placée dans le même endroit - à savoir le verrou, ce qui revenait à laisser le tiroir ouvert - il effectua un double tour pour ouvrir le tiroir. À première vue, rien de très important: des documents alchimiques de base sur diverses transmutations de débutant, qu’il conservait ainsi depuis des années. Mais sous tout cela… il déplaça les feuilles et les bouquins qu’il entreposait là pour venir se saisir d’une minuscule languette quasiment imperceptible, placée dans la doublure de bois de la commode. Tirant dessus, il décolla une plaque de bois indépendante du fond du tiroir, cette dernière se déplaçant sans résistance dans un léger claquement. Il glissa avec lenteur et précaution sa main dans les tréfonds cachés du tiroir de bois pour venir se saisir d’un petit objet qu’il retira avec lenteur. Rond, rouge, tenant facilement entre le pouce et l’index. Cela faisait désormais quatre ans qu’il la possédait.

Depuis qu’il détenait cette pierre, il ne l’avait jamais utilisée pour le combat, ni pour l’Alchimie, du moins d’une manière officielle. Il s’était contenté de diverses tests pour déterminer sa vraie nature et sa composition, deux choses qui malgré tout ce temps lui échappaient encore. Il fallait cependant qu’il arrive à trouver des indices, des détails, quelque chose qui lui permettrait d’enfin percer l’écran de ténèbres qui résidait autour de ce petit objet. Il s’habilla de son uniforme d’Alchimiste et plaça la pierre dans une poche intérieure de son manteau, à l’abri des voleurs des rues, mais également afin de pouvoir s’en emparer rapidement si il devait en faire usage. Jamais la possibilité qu’il dû l’utiliser pour se battre ne lui avait quitté l’esprit, mais il n’en avait pas le droit: d’une manière officielle, il ne la détenait pas. Il ne savait même pas ce que c’était. Et personne ne devait savoir qu’il mentait, pas tant qu’il n’aurait pas découvert ce que cette pierre pouvait bien cacher. L’armée semblait avoir ses secrets mais il était bien décidé à percer celui-ci. Et ce Docteur Marcoh, il avait dans l’esprit de retrouver sa trace et de lui poser quelques questions sur sa création, puisqu’il était de toute évidence celui qui l’avait mise au point. Comment? Quand? Par quels procédés? Distillation, condensation? Formation d’un précipité? Tellement de choses restaient floues, et malgré tout ses efforts, Jasper ne parvenait pas le moins du monde à écarter la brume qui pesait sur les origines de ce fragment rougeâtre.

Une fois prêt, il se rappela qu’il devait passer au Q.G pour vérifier ses demandes de missions ou ses permissions possibles. Si il devait partir en mission, il le ferait et en profiterait pour oublier ces recherches éreintantes l‘espace d‘un moment… ou au contraire, approfondir l‘étude si une occasion se présentait de le faire. Si il avait une permission, il en profiterait pour étudier cette pierre à nouveau, et possiblement partir à la recherche de son créateur. Une fois la porte passée, il ne lui fallut que quelques instants pour apprécier l’air frais du dehors, qui contrastait avec l’ambiance étouffante de sa chambre, durant laquelle il avait stagné plusieurs heures durant pour tenter de percer la composition de son artefact. Une quête futile qui n’avait donné aucun fruit mais qui le renseignait sur son incapacité à percer ce secret seul. Il se mit immédiatement en route pour la base principale des forces armées, où de la paperasse devait l’attendre sur son bureau. Soupirant en pensant à ce rythme d’enfer dans lequel il s’était engagé depuis peu, l’Alchimiste ne pu s’empêcher un commentaire à sa propre intention, profitant d’un instant durant lequel il était seul dans la rue.

- Jasper, mon pauvre, tu vas tourner bourrique…

Ses pas résonnaient sur les dalles des rues tandis qu’il se rapprochait des bâtiments de l’armée, songeur quant à ses recherches et les résultats incertains qu’elles pourraient possiblement amener.