Il n'avait pas fallu beaucoup de temps à Dorian pour comprendre la raison pour laquelle la plupart des soldats estimaient une affectation à West City comme le point mort d'une carrière ou les prémices d'une retraite. Arrivé le jour précédent pour assister à un opéra suivi de mondanités, il avait été frappé par la terrible tranquillité de la ville, cet aspect renforcé par ses grandes plaines alentours et son doux climat, il n'était pas étonnant que la population soit majoritairement constituée de retraités en recherche de calme. Dès lors, et malgré un tempérament loin d'être tumultueux, Dorian avait subi une véritable torture. Pour couronner le tout, l'opéra avait été médiocre et les quelques grandes fortunes présentent après celui-ci avaient plus de deux fois son âge. Conserver une attitude respectable avait été un vrai défi, et sans la véritable raison de sa présence dans cette grande ville du pays, il n'aurait pas fait tant d'effort.

Si les échauffourées et les escarmouches restaient régulières le long de la frontière avec Créta, les menaces de complot et d'attentat constituaient une nouveauté peu rassurante. C'était la véritable raison de la présence de Dorian à West City, la soirée n'ayant été qu'un prétexte pour approcher la partie de la population la moins accessible. Et même si la capitale de l'ouest semblait très loin des préoccupations politiques et militaires le jeune noble avait déjà pu observer le soin que mettaient certains à éviter les sujets fâcheux. La plupart était plus vieux que le généralissime Bradley et certains étaient même en service dans l'armée avant et au début de la prise de commande de ce dernier. Tous avaient connus Amestris avant que le pouvoir ne change en ce qu'il était devenu, et très peu étaient ceux qui en étaient satisfaits. Bien entendu ils le cachaient tous, souriaient à l'évocation de la glorieuse armée du pays, et applaudissaient comme tout le monde lorsqu'une radio retransmettait les nouvelles d'une arrestation ou d'une victoire mais Dorian avait entrevu des brèche dans cette image de façade. Le malaise qu’entraînait chaque évocation de la guerre à Ishbal. Alors, même s'ils n'avaient rien tenté contre le régime durant toutes ces années, il n'était pas impossible que quelques uns aient sympathiser avec Créta.

Évidemment, il n'était pas permis de faire des accusations de ce genre, encore moins contre des personnalités de la haute société d'Amestris, du moins pas sans preuve. C'était pour ce genre de considération, ainsi que pour établir qui trahissaient la patrie dans la région, que l'alchimiste avait été envoyé, seul en premier lieu, mais bientôt il recevrait une subordonnée pour l'épauler dans sa tâche, ce qui n'allait pas forcément faciliter le choses, lui qui ne se revendiquait pas leader.

Alors il attendait, à la fois impatient de passer cette étape et peu enthousiaste à l'idée de travailler en duo, installé dans un mince bureau mis à sa disposition. Il n'avait réalisé aucun aménagement, d'autant qu'il ne pensait pas y revenir après cette rencontre, si bien que les mur restait vierge de toile et bibelot et le meuble de cadre ou de plume, il n'y avait que lui assis et la table qui le séparait de la seconde chaise toujours vide.

La matinée allait sur sa fin lorsque l'on frappa enfin à la porte. Le jeune homme se leva, prêt à accueillir son collègue respectueusement avant qu'ils n'entame la première discussion de leur collaboration, et il fut étonné de voir entrer une jeune femme.

En entrant dans l'armée, l'une des premières choses que l'on apprend est d'obéir aux ordres. Quel qu’ils soient, même si cela est contraire à votre opinion. Même si l'on ne comprend pas non plus pourquoi on vous envoie à l'Ouest sous le commandement d'un gradé inconnu, bien que cela ne corresponde pas aux missions initiales. Mais Shaina ne pouvait pas dire non à son supérieur et s'était rendue à l'Ouest, ce qui ne l'enchantait guère. Le périmètre n'était pas connu pour être l'un des plus hostiles, bien que des mouvements soient détectés au niveau de la frontière, par moment. Rien de bien alarmant. 

Pourtant, on avait fait appel à elle. Il devait y avoir anguille sous roche. Quelque chose de suspect. Tout n'était pas si rose à West City. 

Le train s'arrêta dans la gare de la ville. Il faisait un temps splendide. Shaina descendit, vêtue de sa robe noire qui met plus en avant ses attours que l'uniforme réglementaire. Elle portait une petite valise à la main, contenant quelques affaires. Elle ne prenait avec elle aucun papier, excepté une preuve de son appartenance à l'armée. Elle prit le parti de traverser la ville à pied pour rejoindre son contact, Dorian Faustein, un alchimiste d'état. La marche à pied lui permettait de repérer les lieux et s'imprégner de l'ambiance locale. L'observation était la base de son métier ; cela évitait de commettre des erreurs idiotes. Elle ne mit pas beaucoup de temps avant de trouver le bâtiment réservé à l'armée. En même temps, les casernes militaires d'Amestris étaient toujours judicieusement construites à des points stratégiques ou symboliques, de sorte qu'il était difficile de les ignorer. L'architecture était volontairement monumentale, imposante ; les êtres humains étaient aussi hauts que des fourmis en comparaison des murailles. Elles étaient à la fois rassurantes et terrifiantes. Les murs vous protègent, mais ils peuvent aussi vous écraser. 

A l'entrée de l'établissement militaire, un garde arrêta la jeune femme. Celle-ci sortit d'on ne sait où son insigne d'appartenance à l'armée. Il autorisa son passage - et s'autorisa un regard. Shaina lui adressa un sourire radieux, ainsi qu'un clin d'oeil, avant de monter les escaliers. La scène se répéta plusieurs fois, jusqu'à ce qu'elle parvienne au secrétariat général de l'armée. On lui indiqua le bureau de son supérieur. 

Un alchimiste d'état. Shaina s'était volontairement interdite de se renseigner à son sujet, de peur d'apprendre des choses qui pourraient l'atteindre. Un rapport avec IShval, par exemple. 

Shaina trouva enfin la porte du bureau. Encaissé entre deux autres salles, il n'avait pas l'air bien grand. Une feuille de papier, collée sur la porte, renseignait l'aspect provisoire de l'occupation. Ce Dorian n'était pas cantonné à West City ; cela laissait-il sous-entendre que lui aussi était en mission commandée ? 

Elle tapa doucement à la porte, la poussa, et salua l'alchimiste d'état comme le voulait le protocole. 

Disait-elle avec le plus grand sérieux. Il ne lui fallut pas longtemps pour comprendre une chose de Dorian Faustein. C'est qu'elle ne jouerait pas son rôle de séductrice avec lui. Il était bel homme. Le fait qu'il soit son supérieur n'était pas une donnée génante à son goût - elle avait bien l'intention de s'amuser avec Roy Mustang. Mais elle présentait que cela ne marcherait pas avec cet alchimiste. Alors, autant ne pas se forcer. 

Le jour était vraiment magnifique, un ciel bien dégagé, un doux soleil qui réchauffait la pièce à travers les fenêtres. Ce beau temps lui rappelait l’époque où il retournait la terre dans les champs. A cette pensée, il ne put s’empêcher de sourire bêtement, tout en rassemblant la paperasse sur son secrétaire. Aujourd’hui, il était seul dans le bureau de sa brigade. Il avait réussi à trouver de l’occupation pour chacun de ses subordonnés tandis qu’il se penchait sur une affaire assez troublante. En effet, il y a maintenant quelques jours, il avait reçu une missive directement du Fhürer, concernant des rumeurs sur une probable insurrection dans l’Ouest. Si Nick l’avait pris comme une mauvaise blague au début, il dut se résoudre à s’y pencher plus sérieusement. Pourquoi une telle chose ici, dans ces terres paisibles ? La frontière est plutôt calme ces temps-ci, après toutes les misères que l’on a pu faire ingérer à Creta ces dernières années. Mais dans le cas présent, cela concernerait l’ordre intérieur même de notre région. Pourquoi Nick avait-il était choisi alors, car c’était bel et bien un ordre direct, secrètement donné par le Généralissime, et qu’il ne devait en aucun cas être divulgué. Peut-être tout simplement parce qu’il inspirait la confiance, en prenant compte de son passé sans bavure ni insubordination, ni quelconque problème ? Bref, dans tous les cas, il allait devoir se débrouiller avec le peu d’éléments en main, tout ce qu’il savait c’est qu’il allait avoir de l’aide extérieure...

Puis un jeune soldat au teint basané possédant un léger accent exotique entra dans la salle, et agita une liasse de papiers avant d’interloquer son supérieur.
« M’sieur Falcon, j’ai quelque chose qui pourrait vous intéresser ma foi. »
« Sergent Farrès ? De quoi s’agit-il ? » répondit le général de Brigade, sans prendre la peine de relever l’absence du protocole de salutation de son subordonné. Celui-ci laissa paraître un sourire satisfait mais ne dit rien à son habitude car c’est bien connu, les murs ont des oreilles. Il s’avança alors pour lui donner une note manuscrite en main propres. Leonel Farrès, ce garçon avait un talent particulier pour tomber sur les discussions intéressantes, et surtout pour fouiner un peu partout. Et quand Nick lu le papier où son soldat avait inscrit les informations recueillies, on pouvait dire que ce fut réellement une très bonne prise : un alchimiste d’État de Central, envoyé directement ici sans aucune raison particulière, qui logeait à l’étage au-dessus. Rien que ça. Nick remercia son subordonné, et le fit retourner à ses occupations, tandis qu’il se dépêcha d’aller rencontrer ladite personne, c’était forcément lui le contact. Il s’empressa de quitter son bureau d’un pas ferme, et ne prit pas longtemps pour monter l’étage, et arriver au couloir de la pièce en question.

Pauvre Alchimiste, la discrétion de l’affaire était-elle qu’il n’avait qu’un bureau désaffecté pour être accueilli, et non gardée qui plus est. A l’entrée du couloir, Nick ne vit que de longs cheveux blancs, qui passaient le seuil de la porte, ce qui l’intrigua encore plus, il n’avait jamais vu pareille couleur. Il arriva tandis que la propriétaire de cette magnifique chevelure se présentait devant un individu dont il ne discernait pas encore les traits. Ainsi, à peine la jeune femme eut-le temps de finir sa phrase que Nick arriva derrière elle, et se permit d’enchérir.

« Oh, envoyée par le lieutenant Général Grumman du QG Est ? Eh bien, ce n’est pas rien dites-moi, voici une hôte des plus importantes, mais où ai-je la tête, je ne me suis pas présenté. Général de brigade Falcon, pour vous servir. » Dit-il fièrement, avec le sourire, les mains croisées derrière-lui. Puis, il s’avança sur le côté, tout en prenant soin de fermer la porte derrière lui, dévisageant rapidement les deux personnes déjà présentes et fut relativement surpris, surtout par la jeune femme en question qui semblait être une Isvhal, plutôt ravissante il fallait l’avouer. Le jeune homme présent derrière son bureau était sans doute l’alchimiste en question auquel il n’avait pas été présenté, étrange d’ailleurs, c’était peut-être pour une question de discrétion, mais les notes de Leonel feront l’affaire. Pas de doute, c’était donc eux, l’aide « extérieure ».

« Je me permets donc de m’immiscer car il semble que nous allons travailler dans le même sens tous les trois. » continua-t-il avec un air amusé, mais regagnant vite son sérieux. Il s’avança alors vers la jeune femme, lui tendant un maigre document, ainsi qu’un double à l’alchimiste, et reprit alors. Ce papier rassemblait les quelques données que Nick avait été en mesure de rassembler en si peu de temps : des synthèses de personnalités douteuses dans leurs rapport avec Creta, des histoires de contrebande, quelques infos de contestataires du pouvoir et le compte-rendu du dernier assaut de Creta il y a deux mois, repoussé avec une facilité déconcertante et sans bavure. Rien de bien nouveau en fait, un tel climat avait toujours un peu existé, mais ce fut tout ce qu’il avait pu rassembler pour débuter les investigations. Il allaient devoir creuser un peu plus… Laissant ses collaborateurs jeter un œil sur la paperasse, il reprit.

« Ainsi, vous serez sous mon commandement le temps de cette mission qui m’inquiète assez, pour que le Généralissime et l’éminent monsieur Grumman envoient leurs éléments. L’Ouest n’inspire donc plus confiance on dirait… Bien, je pense que nous allons pouvoir y aller, je connais un bar où nous pourrions sûrement tirer quelques informations à ce sujet, il est réputé pour avoir une clientèle, plutôt… mouvementée. Et puis nous pourrions aussi faire connaissance en route. » dit-il finalement d’un ton assuré et déterminé.

Shaina ne sursauta pas lorsque l'inconnu vint dans son dos pour se mêler de la conversation. Il était arrivé avec beaucoup de discrétion, mais la jeune femme avait les oreilles qui traînaient, et elle avait senti venir derrière elle cette présence. Elle regarda le nouvel arrivant avec curiosité, lui rendit son sourire alors que l'intéressé se présentait en tant que responsable de l'affaire en question. Étrange, on ne lui avait pas parlé de ce Général de Brigade. Mais peu importe ; l'essentiel était de réussir la mission, le reste n'était qu'accessoire. Et puis, comment pouvait-elle se plaindre d'être entourée de deux hommes d'à peu près son âge et si bien fait de leur personne, hum ? C'était drôle de voir que, dans l'ensemble de sa carrière, ses collègues directs étaient majoritairement des trentenaires, ou moins. L'armée se renouvelait, il fallait bien remplacer les morts. Seulement, là où se trouvait le ver dans le fruit, ce n'était pas parmi cette jeunesse prometteuse, mais parmi les membres les plus éminents, et les plus vieux aussi. Pour retrouver la paix, les nouveaux militaires d'Amestris se devaient de récupérer les postes les plus importants de l'état. Monter, doucement, progressivement, avec honnêteté ou derrière le dos. Comme aux échecs.

Elle lut attentivement le dossier qu'on lui avait transmis. Assez rapidement, elle intégra toutes les données connues à l'heure actuelle. Rien de bien probant d'ailleurs, cela ne ressemblait en rien à un état de crise comme l'auguraient les remarques de son supérieur sur cette affaire. Tout n'était pas dit, et cela expliquait la présence de Shaina en ces lieux. Elle figurait parmi les meilleurs espions de cette armée, et devait prendre la température avant toute décision qui serait regrettable. On devait éviter une bavure et un nouveau conflit. Il se pouvait qu'il n'y ait rien derrière tout cela, juste un point chaud, tout au plus. Il se pouvait aussi qu'une guerre gronde et qu'il faille la mater avant qu'elle ne débute. 

Elle n'eut pas l'occasion de poser une question. Le Général de Brigade enchaina afin que la mission commence ; et elle commençait fort bien, d'ailleurs. Le dénommé Nick proposait une visite à un bar des environs. Bon point, les bars étaient une mine d'informations pour ceux qui savaient y être attentifs et mener les conversations adéquates. Et puis, les bars permettaient aussi de passer un bon moment, ou comment mêler utile et agréable. Shaina acquiesça, signalant à l'intéressé qu'elle le suivait séance tenante.

- Je me permets juste de poser ma valise dans cette salle, et je vous suis. Je préfèrerais d'ailleurs rester en civile. Si parfois le prestige de l'uniforme parvient à délier les langues, il peut au contraire fermer les plus rétifs.

Sous entendu pour elle : les robes aguichantes, par contre, mettent souvent d'accord certains types d'hommes qui ne parleraient même pas sous la torture, et qui pourtant se confient sans vergogne à une belle femme. Ce que les êtres humains sont crétins, parfois...

Tandis que Nick attendait la confirmation de ses subordonnés temporaires, il s’empressa de réajuster le fourreau de son épée sur sa ceinture, on ne pouvait pas savoir ce qui pouvait les attendre dans cette petite escapade dans la ville, mieux valait rester prudent surtout si il fallait fouiner dans des quartiers plus ou moins sensibles... Il s’apprêta donc à lancer le départ. La jeune femme sembla accepter sans poser la moindre question, elle inspirait déjà un certain professionnalisme. Elle posa ensuite sa valise dans la salle, et à cela, Nick esquissa un léger rictus de compassion : la pauvre pensait-il, à peine arrivée qu’elle devait déjà repartir aussitôt, sans prendre le temps de se reposer quelques instants, surtout qu’elle devait venir de loin. Mais d’un autre côté, le devoir avant tout, comme diraient certains. Elle ajouta également qu’elle désirait garder ses vêtements de civil. Dans un premier temps, cela fit sourire le général de brigade, qui n’avait même pas eut l’idée de lui imposer quoi que ce soit, et surtout pas de se vêtir à sa convenance... D’un autre côté, elle n’avait pas tort, c’est un fait, la simple vue d’un uniforme de l’armée brusque plus qu’autre chose les potentiels suspects. Il profita d’ailleurs pour commenter

« Ah, oui bien entendu faites comme bon vous semble, gardez votre tenue. Par ailleurs je pensais justement compter sur vos talents, disons que la discrétion n'est pas vraiment mon point fort, puisque j'ai un subordonné qui s'occupe de ce genre de chose en temps normal. Mais pour cette affaire, je vais entièrement compter sur vous de toute manière, vous me semblez bien expérimentée en la mat...»

Il s’arrêta net dans ses paroles, et réalisa qu’une chose n’allait pas du tout, un certain détail auquel il fallait remédier… Son uniforme justement, Nick ne pouvait pas accompagner la jeune femme accoutré ainsi, au risque d’attirer réellement l’attention des clients du bar... Mais après une vive réflexion justement, il eut une autre idée, il n’était pas rare qu’un ou deux militaires s’aventurent dans les bars, même les plus mal famés, en toute région. Pourquoi ne pas essayer d'en tirer avantage, le général de brigade Falcon n’était pas réellement connu de tous les habitants, d’ailleurs dans l’Ouest contrairement aux autres régions, on ne jure que par les hauts gradés en fonction, tout ce qui est en dessous passe à la trappe et l’on se fait très difficilement une réputation. Mais le fait de provoquer l'attention permettrai également à la jeune femme d'enquêter sans réel problème, si le timing et la distance étaient bien établies. Il invita la jeune femme à le suivre, et entama la marche vers la sortie du bâtiment, tout en commentant alors.

« J’aimerai votre avis sur la chose. Je pense que nous pourrions tirer avantage du fait que je reste volontairement vêtu en tant que militaire, il vous sera plus facile de vous infiltrer tandis que j’attire l’attention et la vigilance de tous, qu’en dites-vous ? Et cela me permet de garder mes moyens en cas de… problème. » Demanda-t-il finalement, portant un grand intérêt quand à l’avis de la jeune femme.

Shaina entreprit de réfléchir. Nick n'avait pas tort, un militaire pouvait attirer l'attention ; et étouffer les réserves d'éventuels bavards qui n'hésiteraient pas à déverser leur rancœur, ou faire de viles flatteries. Oui, bonne idée, vraiment.

Elle attendit un signe favorable et s'expliqua.

Shaina, à force de pratique, mais aussi de lectures, avait appris à saisir les mécanismes du comportement humain. Les phénomènes de masse figuraient parmi les plus fascinants. Il suffisait de peu de choses pour qu'une situation A passe à la Z, son opposée, sans qu'on ne le réalise.

Pour qui pratiquait l'art de la manipulation; une chose était évidente. Tromper un groupe était peut-être difficile de prime abord, mais une fois la première bataille remportée, la victoire était presque acquise. Tout dictateur qui se respecte reconnaitra ce fait. D'où l'intérêt d'enfoncer les clous qui dépassent...

D'ailleurs, c'est grâce à tous ces apprentissages que Shaina avait réalisé qu'il se tramait quelque chose dans l'armée, et qu'elle avait acquis la confiance de ceux qui voulaient renverser le pouvoir en place. Elle utilisait les mêmes armes que leurs ennemis, et ne se laissait pas enjôler par le chant des sirènes.