Le temps était couvert. Cela faisait déjà quelques temps que le soleil n’avait pas rendus visite à la capitale. Des nuages chargés de remords se bombaient royalement au-dessus de la tête des derniers passants. Ils rentraient tous d’ailleurs, car le vent se levait, emportant sur son passage les couvre-chefs des valeureux veilleurs. C’était un temps maussade qui alourdi les cœurs sous les trombes d’eau. C’était un temps idéal pour l’alchimiste survolté qui arpentait les rues. Mais aujourd’hui, elle n’était pas d’humeur. Habituellement, elle aurait caracolé sous le ciel gris, électrocutant sur son passage deux ou trois voitures et en riant machiavéliquement. Pourtant, ce soir, elle errait en silence, comme une âme en peine. Comme un fantôme de sobriété, à la recherche d’un esprit à effrayer. Un long imperméable beige, bien trop grand pour elle, s’écroulant sur ses épaules fragiles et pesantes de mélancolie. Sur son visage baissé vers le sol se déchirait un étrange sourire, tel le soleil brisant la tempête. Un sourire étrangement beau dans sa tristesse illuminait sa peau hâlée, ses yeux soulignés de noir et ses lèvres peintes. L’alchimiste passa machinalement sa main sur la mèche qui pleurait sur son œil droit et la coinça derrière son oreille. Ses geste étaient lents, las de toute vivacité, elle qui était si énergique.



En vérité, ce qui la tracassait c’était ses souvenirs qui revenaient sans cesse ces derniers temps. Tous les soirs, non tous les jours, elle se remémorait un passage bien précis de sa vie. Non pas son agréable enfance mais plutôt depuis cette nuit où un homme avait pris la vie de son père. Le soir où son propre père avait confié sa vie à cet homme. Non, à ce moment-là, il n’était plus Homme. Il était Monstre. Pourquoi ? Il s’était montré si simple avec elle. Pourquoi ? Cet homme à qui elle avait montré les papillons. Les papillons de nuit. Qui s’envolent dans les étoiles à la recherche de datura. Et un jour, ils reviendront pour anéantir ce monde. Et, à mesure qu’elle marchait, les gouttes tombaient. La pluie s’effondra sur elle. Et, à mesure qu’elle avançait seule, les mots s’épandaient de ses lèvres pour terminer en mélodie âpre :



-“She has the perfidious glance ... Do you want to control me ? Because you’re just a fly with human’s face … Together we’ll find datura to put an end to this world …”



Et ces mots, dans un anglais maladroit s’élevaient dans la nuit, comme un papillon prenant son envol avant la fin de sa vie …

Dans le noir on ne voit rien. Et pourtant, une lumière s'approchait. Oui, Aisya sentait que sa solitude allait prendre fin. Mais de la manière dont cela allait se produire. En effet, un jeune homme la bouscula, elle perdit l'équilibre et tomba par terre. Elle retint un grognement et posa un regard noir sur l'inconnu qui ne devait pas le distinguer dans la pénombre grandissante. Il fallait vraiment être perplexe pour pousser les gens de cette manière ! Pourtant, lorsqu'il se proposa pour l'aider à se relever, il arborait un magnifique sourire. Aisya n'y prêta pas grande intention, ce qui comptait, c'était qu'il pardonne sa faute en réparant le mal. L'alchimiste s'empara brusquement de la main du jeune inconnu et se redressa. La pluie battait de plus en plus et elle avait du mal à observer ses traits. Il ne devait pas être mal, avec ses magnifiques cheveux de feu. Mais ce soir, elle n'était pas vraiment d'humeur. Elle se sentait si triste et ravagée qu'elle n'avait même pas le courage de lui faire une reproche. Resserrant son épais imperméable sur son uniforme, elle dévia le garçon en passant sur le côté et reprit son chemin d'un pas lent :

-"Merci, ce n'est pas grave. Moi aussi, ces temps-ci, je suis un peu ... tête en l'air ..."

Ses mots se noyaient littéralement sous les trombes d'eau. Ses cheveux trempés se collaient à son visage. Le noir de ses yeux coulait comme une veine bleue sur ses joues. Elle n'était plus qu'une poupée qui se désintégrait sous la pluie. Elle s'affaiblissait à vue d'oeil. L'électricité ne résiste pas à l'eau. Les pas d'Aisya, se faisaient beaucoup plus lents. Trop lents pour une personne en bon état. On aurait dit qu'elle allait disparaître dans les secondes qui allaient suivre.

Au fait ce jeune homme, qui était-il ? Elle ne l'avait jamais encore croisé dans les rues de Central ? Il était si rayonnant dans cette journée noire. Maintenant qu'elle y pensait, elle avait pu voir son visage plus distinctement que celui des autres personnes ... Alors que ces pensées hagardes se perdaient, elle resserra son poing sur les deux pans de son manteau. Alors que son esprit n'était plus qu'un affreux mélange de cauchemar, elle était prise d'abominables nausées ...

[Bah ça serait plus logique de le déplacer dans les habitations ?? Mais je vais quand même répondre à la suite ^^]

Tout était blanc autour d'Aisya. Ainsi donc, elle s'était vraiment évanouie ? Cela faisait un bon bout de temps que cela ne lui était pas arrivée. Depuis son entrée dans l'Armée, non ? Car dans son enfance, elle avait été malade tant de fois. Quelle tristesse pour cette amoureuse de la vie. Car même lors de ses périodes de dépression, elle ne pensait jamais à en finir avec son existence. Jamais.
Dans ce rêve, elle se sentait si seule, nue dans ce vaste monde blanc. Ses yeux brouillés regardaient furtivement autour d'elle. Là-bas, une silhouette. Elle s'approcha en flottant dans le vide. Cependant, à mesure qu'elle se répprochait, l'ombre s'éloignait. Elle se mit à courir avec ses jambes si lourdes. Ah, elle avançait enfin ! Mais qu'était-ce donc ? Elle ne distinguait pas de forme humaine. Ah, c'est affreux ! C'est abominable ! Un monstre ! Papa !.. Son corps rétrécissait, avec son âge. Aisya tournait les pages du livre de sa vie et redevenait enfant. Elle revenait au soir où son père était mort. Au soir où ce monstre avait dévoré la vie de son père. La chose sourit et tendit vers elle, ce qui aurait du être un bras humain. La chose pleurait. La chose souhaitait qu'Aisya reste avec elle. Qu'Aisya la regarde. Sans fin.

-"Ah !!"

L'alchimiste s'était réveillée en sursaut. Elle avait les larmes aux yeux, et des sueurs froides dégoulinaient dans son dos, brpulant sa peau déjà si chaude par la peur. Sa vue toujours trouble, elle reprit ses esprits et observa autour d'elle, apeurée. N'était-elle pas dans la rue il y a quelques instants ? Ah, quelqu'un ! Mais, c'était le jeune homme qu'elle avait croisé en ville ! Que faisait-il ici ? Non, plutôt elle, que faisait-elle dans ce lit, dans cette maison ?! Son regard d'ambre se posa sur le jeune garçon. Il était en train de s'assoupir. Ainsi, il avait veillé auprès d'elle durant tout ce temps. Aisya ne pouvait que lui en être reconnaissante. Affichant ce sourire mélancolique des tristes jours, elle déposa sa main sur le bras de l'inconnu, lui procurant le peu de chaleur et de vivacité qu'il lui restait ...