Il y avait à peine quelques heures, Tybert était encore à Central. Confortablement installé dans un canapé en cuir qu'il y avait à la salle commune des quartiers réservés aux Alchimistes d'Etat, il faisait la sieste sans avoir fait quoi que ce soit justifiant le besoin de se reposer auparavant. Cigarette au bec, il avait ouvert la fenêtre en grand afin de n'importuner personne avec la fumée, et en avait profité pour regarder ce ciel bleu azur au dessus de sa tête.

Son instant de répit fut brisé par l'appel du devoir, qui se présenta à lui sous la forme d'une jeune demoiselle en uniforme militaire. Cela aurait pu être l'ange venu du ciel afin de lui offrir un agréable massage, mais au lieu de mettre à exécution ce fantasme, la militaire aux cheveux bruns lui tendit une enveloppe marquée du sceau du Führer King Bradley. Le Généralissime en personne demandait ses services? Tybert s'en trouvait à la fois flatté et perturbé, il savait bien que le Führer savait tout sur l'affaire Isaac, c'était sans doute lui qui avait fait en sorte qu'il soit impossible à l'Alchimiste de Brume d'accéder à toute archive ayant trait à feu son frère.

Tybert dut donc mettre fin à cette sieste pour se concentrer sur cet important papier, avec l'instruction de ne l'ouvrir que dans la plus stricte confidentialité, chose qu'il fit. Il se redressa et retourna à son bureau afin d'en savoir plus.

La lettre présentait en effet l'écriture du Généralissime, elle disait :

A l'intention de l'alchimiste brumeux.
Objet de la missive: Assassinat
Lieu de la mission: Lior.

Alchimiste brumeux, vous êtes par la présente priez de vous préparer à partir pour Lior. Le prêtre de cette petite ville est tombé il y a peu, mais tout porte à croire qu'un nouveau meneur est en place... La cité de Lior étant une zone assez instable, je vous demande d'intervenir et de faire taire cet homme qui à repris le rôle de leader. Notre armée est bien entendu présente là-bas mais les émeutes deviennent de plus en plus violente... Mettez-y fin en enrouant la menace. Vous avez carte blanche.

Bonne chance Soldat.

Généralissime King Bradley

Une mission d'assassinat? Une telle chose n'attendait pas. Ce fut donc en une heure que Tybert se retrouva de Central au train qui devait le mener à Lior. Il s'était permis de voyager en première classe contrairement à d'habitude, une région pacifiée valait bien le prix d'un billet de train en classe privilégiée.

Il se trouvait désormais dans le train, le voyage allait durer quelques heures encore, et il arriverait à destination. Il se fit servir un repas bien calorique au wagon restaurant, puis retourna faire la sieste à sa place afin d'être dans une forme optimale pour commettre un assassinat. Un jeune garçon eut la courtoisie de le réveiller une fois arrivé à Lior, jeune garçon qu'il remercia en lui offrant un de ces bonbons dont même les Alchimistes d'Etats tels que Tybert raffolent.


Il arriva donc à la ville de Lior. En effet, la cité semblait chaotique. Un cordon de militaires gardait l'entrée de la gare, et plusieurs patrouillent faisaient des allers-retours, fusils en mains. Tybert devait s'assurer de passer incognito pour minimiser les risques d'être repéré avant même d'avoir tenté quoi que ce soit. Il s'était donc habillé en civil, personne ne prêterait attention au bracelet orné de son cercle de transmutation.

C'était une région où l'air était très sec, il allait donc devoir trouver un moyen d'incorporer lui même une certaine humidité dans les environs s'il souhaitait pouvoir assassiner sans risquer d'être repéré, et de pouvoir assurer une fuite discrète.

Au fur et à mesure qu'il s'approchait de l'église, il remarquait que les religieux, tous masculins, portaient un uniforme pouvant être noir ou blanc. Selon toute vraisemblance, et à en juger l'âge plus avancé des religieux en tunique noire, ces derniers devaient disposer d'un grade plus élevé. C'était un de ces uniformes qu'il allait devoir se procurer pour approcher le pontife qu'il devait assassiner.

Cette première étape se fit sans encombre, il n'eut ni à tuer ni à user de son alchimie. Il croisa en effet au bout de quelques dizaines de minutes un religieux dont le gabarit était sensiblement le même que Tybert. Une rue peu éclairée, peu fréquentée et étroite, et on pouvait désormais voir Tybert déguisé en homme de secte, au dépends dudit homme de secte qui se retrouva à moitié nu, assommé et ligoté.

Il put ensuite pénétrer l'édifice religieux sans trop de problèmes non plus; après en avoir fait le tour, l'alchimiste emprunta une porte ni gardée ni fréquemment utilisée, si l'on remarquait la poussière aux alentours. Il se retrouva alors dans un couloir souterrain, au bout duquel se trouvait une cuisine. L'air de rien, il prit l'initiative de saisir un chariot sur lequel se trouvait une cuve en métal remplie de thé aromatisé. Par gourmandise, il commit l'écart de s'en servir un peu avant de continuer sa besogne. Un délice, il devrait retourner à Lior à l'occasion, lui qui adorait le thé.

La prochaine tâche fut de trouver la demeure du pontife. Il se doutait bien qu'un tel manipulateur serait suffisamment vaniteux pour orner sa porte de décorations de luxe, comme pour y afficher " C'est ici le pontife, l'individu qui vous manipule et vous extorque de l'argent. ". Arrivé devant la porte qui selon lui était certainement celle du grand gourou local, Tybert y frappa deux fois, attendant une réponse l'autorisant à entrer. Si celle-ci était donnée, le pauvre homme n'avait plus que quelques secondes à vivre.

{PNJ Personnage incarné; le remplaçant du Père Cornello}

Lior. Cette magnifique ville s’étalait devant ses yeux. Les rayons du soleil filtraient par la baie vitrée devant laquelle un homme d’un certain âge prenait place. Il passa une main dans sa chevelure ébène, si bien coiffée, observant la pâle image de sa personne, se reflétant sur la vitre. Son teint cuivré avait perdu de sa couleur depuis qu’il avait repris le pouvoir de la ville. C’était bien dommage. Cependant, il ne pouvait plus se permettre de sortir dans la rue sans être entourer d’une bande d’admirateur n’ayant de cesse de l’importuner avec des commentaires et des questions futiles. Il suffisait de posséder un minimum de charisme et d’avoir un don pour embobiner les gens pour pouvoir accéder au pouvoir. Enfin, c’était ce qu’il lui avait suffi pour prendre la place du Père Cornello. Le fait que le peuple soit également si simple à manipuler et extrêmement crédule avait joué en sa faveur. Jamais il n’aurait cru cela si simple. Dès qu’il prit la place au pouvoir, il fit en sorte de reprendre là où le Père déchu c’était arrêté. Il poussa le peuple à se soulever et des vagues de violences envahirent la ville. Évidemment, il y avait des rebelles, n’acceptant pas le fait qu’il puisse diriger d’une main de fer cet endroit. Ces personnes étaient prêtes à tout pour lui nuire. L’homme se cachait donc dans ses appartements dont faisait à présent partie l’ancien bureau de Cornello, qu’il n’utilisait que peu.

Rufus, c’était ainsi qu’il se nommait. Un nouveau dirigeant, une nouvelle ère. Il avait pour projet de se servir de la population, de multiplier les violences, dans le but d’acquérir toujours plus de pouvoirs. Bien entendu, il n’était pas question de pouvoir tel l’immortalité ou bien l’alchimie, simplement du pouvoir à l’état pur, celui qu’il exerçait en ce moment et qu’il entendrait sur l’Amestris. Il ferait de ces gens une armée d’individus déchainés qu’il pourra monter contre l’état. Ce n’était pas les quelques militaires qui allait l’arrêter. Il planifiait ses opérations dans les moindres détails et rien n’allait lui échapper.

On toqua à la porte, dérangea l’homme qui s’était perdu dans ses pensées. Furieux, une ne détourna pas un seul instant le regard. Ce devait être l’un de ses sous-fifres qui lui rapportait des nouvelles de ce qui se passait à l’extérieur. Il avait demandé à avoir régulièrement des nouvelles des événements se produisant à l’extérieur. Pourtant, il était certain que sa dernière visite ne remontait pas à si longtemps… Pas une seule seconde, l’idée qu’un intrus réussisse à se rendre jusqu’à lui ne lui était parvenue. Il était bien trop sûr de lui, certain que son plan allait fonctionner. Il voyait grand, peut-être même trop grand.

-Entrez ! Lança-t-il sans bouger d’un poil.

Ce fut lorsque la porte s’ouvrit et que l’individu entra à l’intérieur, poussant un chariot, que Rufus daigna finalement porter un œil sévère sur l’homme. L’heure du thé ? Pourtant, il n’avait guère fait une quelconque demande à ce sujet. Alors, soit cet homme était idiot et le dérangeait inutilement, soit il était là pour autre chose. Il avait cru à tort que c’était cet homme, dont le nom lui échappait toujours, qui lui apportait des nouvelles. Il allait le regretter.

- Que fais-tu ici ? Je n’ai pas demandé de thé !

Après avoir frappé légèrement à la porte de la chambre du pontife, Tybert fut traversé d'un sentiment de danger. Ce sentiment le prenait au moindre moment décisif de la moindre mission. Et comme à chaque fois qu'il avait ce sentiment, Tybert redoubla de prudence. Il n'avait emmené à Lior qu'un simple six-coups, une arme plutôt facile à dissimuler. Pour maximiser les chances d'endormir tout soupçon chez le démagogue, il plaça son arme dans l'épaisse pile de serviettes qui se trouvait sur le chariot qu'il avait récupéré plus tôt. Malgré cet acte précautionneux, cette déformation professionelle proche de la paranoïa rendit en quelque sorte intense les secondes qui s'écoulaient désormais de plus en plus lentement. Ainsi, ce qui n'était à sa montre qu'une poignée de secondes lui parut aussi long que stressant. Ce moment put enfin s'achever lorsque celui qui avait remplacé le Père Cornello beugla le mot que l'Alchimiste attendait.

-Entrez !

En un mot, le théocrate venait de raccourcir notablement son espérance de vie, c'était maintenant à l'Alchimiste de Brume de faire le reste. Tybert regagna presque instantanément son calme, il était temps de faire jouer de ses talents d'acteurs. Car en plus d'être un être capable d'abattre presque quiconque de sang presque froid, Tybert aurait presque pu être comédien. Non pas que l'idée ne lui avait jamais traversé l'esprit, il n'y avait à Rivière tout bêtement pas d'école de théâtre ou quoi que ce soit s'y rapprochant. Cela dit, toutes ces missions qui niaient sa personnalité et le réduisaient au rang de poignard de l'Etat lui avaient permis de mimer la personnalité des autres. Il courba donc le dos, plaça quelques mèches de cheveux devant ses yeux, et poussa sereinement la porte de la chambre du Père Rufus pour y faire entrer ensuite le chariot à thé.

- Que fais-tu ici ? Je n’ai pas demandé de thé !

Alors qu'il avait jusque là la tête baissée, Tybert releva le menton, et put pour la première fois croiser le regard de sa cible. A l'entendre beugler, il s'était imaginé un homme plutôt vieux, oisif et pataud, un double menton, plusieurs bourrelets et une mine porcine surplombée d'une épaisse barbe qui donne un air paternel. Il s'avéra que Tybert s'était trompé sur toute la ligne. Rufus était un homme qui entrait dans la quarantaine, et gardait quelques traces de vivacité. Il n'avait certes pas l'oeil perçant, mais possédait un regard assez vif malgré des rides apparentes, des yeux légèrement plissés et surlignés d'une paire de sourcils fins et élancés. Son visage était plutôt fin, et tout à fait glabre. Il avait tout de même une aura qui expliquait comment il avait si facilement pris les rênes de la révolte. Tybert avait toujours été sensible à ce que l'oeil ne percevait pas, l'aura des gens était pour lui plus importante que la notion de beauté ou de laideur, c'était une chose totalement différente. L'homme qu'il avait sous les yeux était tout sauf bedonnant, il était même plutôt maigre, ce qui ne l'empêchait pas d'avoir un timbre de voix imposant.

- Pardonnez moi mon Père, mais le cuisinier a insisté pour que vous donniez votre avis sur ce nouveau thé qu'il a fait venir de Xing.

Afin de mettre toutes les chances de son côté, Tybert se présenta comme un simple messager, et minimisa son importance dans l'histoire qu'il venait de fabriquer de toutes pièces. Ainsi, Rufus allait instinctivement baisser sa garde, pensant être en présence d'un simple larbin maigrichon. Ce fut en effet le cas, à en juger le manque de réaction lorsque Tybert, jouant à merveille le rôle du serviteur hagard, poussa le chariot pour n'être au final qu'à une longueur de bras de sa cible. Tout allait se jouer en une demi-secondes désormais. Prétendant se pencher pour ouvrir la cuve de thé, Tybert saisit la pile de serviettes épaisses d'une main et la fourra dans la bouche du pontife, dont les cris furent étouffés de sorte que personne ne les entende. De l'autre main, l'assassin prit son six coup et enfonça le canon dans la pile de tissu, cela allait grandement diminuer le bruit du coup de feu. D'un mouvement de poignet, Tybert orienta le canon vers le palais, afin de toucher le cerveau du premier coup.
Sans plus attendre, il appuya sur la gâchette, et ce qui à l'origine faisait suffisamment de boucan pour faire fuir les oiseaux ne fit pas plus de bruit qu'une petite toux. Il fallait cependant faire vite, car si personne n'avait rien entendu, un des quatre murs de la chambre de Rufus était souillé de tâches de sang. Ce fut à cet instant que le thé, en plus d'être un prétexte à rencontrer le pontife, se rendit utile une fois de plus. Tybert rapprocha le chariot du mur, souleva le couvercle de la cuve métallique, et transmuta la boisson en vapeur épaisse. Avec les quelques serviettes qui bien que percées, étaient restées propres, il essuya soigneusement les tâches de sang, qui grâce à la vapeur, n'eurent pas le temps de laisser leur emprunte sur le tissu. Par manque d'originalité, Tybert disposa du corps en le cachant sous le lit, en prenant soin de nettoyer les quelques gouttes de sang qui tombaient au sol alors qu'il portait le cadavre encore chaud. Tout était propre à nouveau, Tybert n'avait désormais qu'à s'esquiver tout aussi discrètement qu'il était venu, poussant le chariot jusqu'à la cuisine sans mot dire, tête baissée. Personne ne lui adressa la parole, car personne ne le remarqua.

Un petit quart d'heure plus tard, Tybert était sur le quai de la gare, embarquant dans le train qui allait le ramener victorieux à Central. Tuer était certes devenu sa routine, il n'empêchait qu'il s'agissait d'une routine épuisante, et comme à l'aller, l'Alchimiste passa tout le trajet à ronfler.

[ HJ : J'ai fait en sorte de torcher ce topic assez vite, étant donné le temps que j'ai mis à répondre... ]