De nouveau dans la capitale, Liann en parcourait les artères, nuit après nuit, avec la même ferveur. Il traçait un périmètre de plus en plus large autour de sa zone de survie, quadrillant les lieux, établissement une carte mentale. Il notait ainsi scrupuleusement les lieux d'échanges de drogues, d'armes, de raquettes, etc. Évidemment, le travail prenait du temps, mais sans but, l’épéiste n'avait pas d'activité plus importante à faire, et avoir une parfaite connaissance de son territoire de chasse était le propre du prédateur.

Cette nuit, Liann avait parcouru tant de distance qu'il se trouva non loin des laboratoires, évidement ils revêtaient l'apparence de hangars fermés pour cause sanitaire ou d'autres raisons tout aussi absurdes. Le jeune homme se souvenait encore du jour où il avait du ramper dans la fange et les immondices des égouts, côtoyant les rats dans les eaux stagnantes des égouts. Repenser à ces évènements l'obligeait à ressentir, pour la première fois depuis des mois, un sentiment différent que celui de la chasse ou de l'ennuie, c'était quelque chose de plus humain, entre le dégout et la colère.

La chimère aurait volontiers donné l'assaut au hasard, taillant dans la chair juste pour laisser éclater sa vengeance quand il remarqua l'effervescence dans un hangar plus éloigné. Des soldats semblaient en sortir avec précipitation pour y rentrer une minute après avec la même attitude. D'aussi loin, ces simples humains étaient incapables de le distinguer là où lui pouvait parfaitement observer la scène. Il cherchait quelque chose, que lui trouva sans mal, aider par sa nyctalopie. Une piste de sang frais, bien qu'éparse et partiellement dissimulée, il pouvait la suivre.

Il s'enfonça ainsi dans la cité, s'éloignant de son périmètre pour atteindre une zone encore inconnue. Il avançait, seul, jusqu'à ce qu'une femme croisa son chemin, d'un pas précipiter et tenant son enfant avec force, elle était apeurée. Peut-être aurait-elle cherché le soutient de Liann si elle ne l'avait pas cru aveugle, mais ce dernier ne posa même pas la question remontant le chemin que la personne avait parcouru. Il aperçu alors la cause de son effroi.

Une jeune fille était étendu sur le sol, Un casque sur la tête, les pieds nus et éclaboussé d'un peu de sang. On aurait aisément pu la croire morte, si sa poitrine ne soulevait pas avec régularité, prouvant ainsi que la vie l'habitait encore. Dans d'autres circonstances, Liann ne se serait pas attardé sur le sort d'une enfant, mais elle venait des laboratoires, la piste s’arrêtait à elle. Elle était par conséquent la personne la plus proche de ce qu'il était lui même, un fugitif. La faire vivre c'était comme une petite vengeance contre Amestris, et il ne cracherait pas dessus.

Il s'approcha s'arrêtant finalement à quelques centimètres, plaçant son visage au dessus de celui de la fillette, un mètre et soixante centimètres plus haut. Elle avait des yeux rougeoyant assez étrange, mais mis à part ça, c'était juste une petite fille, avec les cheveux peut-être anormalement long. Il retira ses lunettes, lui présentant ses yeux presque totalement noirs aux iris jaunâtres, et sans plus de présentation que ce regard échangé, il agrippa la petite. La soulevant, il tenta de la mettre sur ses pieds avant de l'apostropher enfin.

- Tu peux marcher ou je vais devoir te porter ? ... J'espère au moins que tu peux parler.

Liann fut un peu surpris de voir la jeune fille se remettre sur ses jambes. Elle semblait décider à ne rien laisser paraitre de son état, allant même jusqu'à prétendre qu'elle n'avait juste que quelques problèmes pour se remettre sur ses pieds, alors qu'elle tenait à peine sur ses jambes. Le samouraï la regarda s'éloigner sans répondre à son signe de la main. Elle réussit tout de même à faire plus de pas qu'il ne l'aurait pensé au prime abord. Elle avait de la volonté.

Elle se remit sur son assise, restant au sol, sans pleurer - l'inverse aurait été étonnant après ces efforts -. Liann se demandait comme elle avait pu aller aussi loin des laboratoires, elle avait certainement du utiliser toutes son énergie, la peur de se faire attrapé aidant à la pousser au delà de ses limites.
Il allait retourner à son aide, bien conscient qu'elle ne lui demanderait surement jamais s'il l'attendait, quand elle se mit à lécher sa plaie au genoux, certains animaux agissaient de cette manière, pourtant la réaction qu'elle eu, confirma que ce n'était pas pour tenter de stopper le flux qu'elle agissait ainsi. Elle se tourna vers lui, déclarant, au début hésitante puis prenant de l'assurance.

- C'est... uniquement parce que je suis une chimère! Et si t'as quelque chose à me dire, et bien... Dit le! Et... je te frapperai!

Liann resta quelques secondes sans rien dire, la regardant avec étonnement derrière ses lunettes, avant de finalement éclater de rire. Liann ne se souvenait pas avoir eu de rire, ni même de sourire, autrement qu'avec l'euphorie d'un combat. Aussi loin que remontait sa mémoire, il n'avait jamais eu à sourire à rire de toute sa vie. Néanmoins, il ne s'attarda pas plus sur cet évènement unique, et se concentra de nouveau sur la jeune fille, s'approchant à nouveau.

Accrochant son katana derrière lui, au niveau de la ceinture, il prouva ainsi qu'il pouvait se déplacer aisément sans l'aide de cette canne. Il souleva la jeune fille sans ménagement, et surtout sans lui demander son avis, puis l'installa dans son dos. Et sans chercher à savoir si cela la satisfaisait ni si elle était bien installé, il se mit en marche. Il ne mit que quelques pas avant de prendre la parole.

- Tu ne devrais pas parler de chimère comme ça, la majorité des habitants de ce pays ne savent pas ce que c'est. Moi même si je comprends, c'est uniquement parce que j'en suis une également.

Il bifurqua dans une rue plus sombre, désireux d'éviter les grands axes, même si ils n'étaient pas vraiment fréquenter à cette heure de la nuit. Il faisait un détour pour s'écarter des laboratoires avant de revenir vers sa zone de sécurité.

- Tu as du cran et de la volonté pour une petite fille, c'est bien, tu en auras besoin si tu veux survivre. Comme tu vois, je suis prêt à t'aider sur ce point, mais je ne suis pas un père, ni un frère.
Je suis Liann Cuchu, une chimère comme toi, comme je l'ai dit. Je n'ai pas de vrai maison, et je ne suis même pas né à Amestris, mais j'ai trouvé un endroit ou loger, et mon sabre a appris à la grande majorité des truands de la ville qu'ils n'ont pas à s'en approcher.

Liann marchait vite. Il avait le pas long et rapide. Il était aux aguets, pas tendu non, mais il était prêt à une rencontre avec un soldat, et dans le cas ou cela devrait arriver, il n'hésiterait pas à déposer la fille à terre pour s'occuper de l'opportun. Il n'avait aucun doute sur sa victoire dans une telle situation malgré sa position actuelle, les bras encombrés, incapable de manier son sabre. Heureusement pour les militaires, il ne semblait pas en rencontrer sur son passage. Atteignant les bords de son périmètre connu autour de son "logement", il reprit la parole.

- Tu pourras toujours t'en aller, une fois que tu en seras capable - il eu un sourire en déclarant cela, avant de poursuivre.
- Cela dit, si tu restes avec moi, je te promet qu'on fera en sorte de nous venger pour ce qu'Amestris nous a fait.

Durant notre trajet, Liann pouvait sentir la jeune fille dans son dos, lorsqu'elle réagissait à ses propos. L'avoir dans son dos n'était pas aussi désagréable qu'il l'aurait pensé, évidement, il y avait le poids sur ses muscles et la pressions sur ses articulations, mais il s'en accommodait. C'était encore une fois un sentiment unique, lui qui n'avait jamais porté personne, même pas les autres membres du gangs auquel il avait jadis fait partie. Toute sa vie s'était construite autour de lui, et d'un constant jeu à aller chercher danser avec la mort.
Avoir cette jeune fille dans son dos, c'était comme avoir une vie entre les mains, autres que la sienne, et pas au bout d'un sabre.

Le samouraï ne répondit pas à la question de la jeune fille, il y réfléchissait. Avait-il besoin de son soutien pour se venger ? La réponse lui paru évidente, lui qui n'avait jamais demandé l'aide de personne, et surtout pas au combat. Cependant, s'il n'avait pas besoin d'elle pourquoi lui porter assistance, il aurait aussi bien pu la laisser voir l'achever, comme il l'avait fait tant de fois.

- Je ne sais même pas me battre... J'ai grandi dans un laboratoire, enfermée dans une cellule... Je ne connais rien de cette vie que je vais devoir mener à présent.

Si beaucoup de personnes n'auraient pas su quoi répondre à cela, surtout à une enfant, Liann, lui, savait parfaitement quoi faire. Il allait être franc, comme il l'avait toujours été, peu importe l'âge de son interlocuteur.

- Je peux t'apprendre à te battre, ou essayer de t'en inculquer les bases. Tu as vécu comme rat de laboratoire, j'ai grandis comme rat, tout court. J'ai passé ma vie à aller de pillage en pillage, juste pour tester ma technique du sabre. Alors je ne vais pas t'enseigner à t'intégrer dans la société, mais je peux te permettre d'y survivre. Tu auras moins de connaissance, moins d'amis, et aucune place dans leur système, mais tu seras plus retors que n'importe lequel d'entre eux.


Liann reprit son souffle, ayant déclarer tout cela presque d'une traite. Il s'arrêta, étant presque arrivé, il voulait être sur que personne ne l'avait suivi. Il entrouvrit légèrement les lèvres et laissa se déployer son ultra-son, le laissant se répercuter dans les rues alentours, pour que finalement son sonar ne lui indique aucune trace de vie humaine, mis à part lui et la jeune fille.
Il reprit sa marche, se dirigeant vers une maison à moitié abandonné, qui avait jadis du servir de squat, pourtant aucune trace de bouteille ou autre sur le sol, Liann ne supportait pas le désordre.

- Tu m'as demandé si j'avais besoin de ton aide. je vais être franc, je pense que non. J'ai survécu seul, et je serais capable de poursuivre, et de trouver un moyen de me venger, même d'une basse façon. Ca ne m'a pas empêché de suivre ta piste et de finalement t'amener ici. Je ne suis pas quelqu'un de bien, tu étais simplement comme moi, une chimère fugitive, t'aider était déjà une manière de me venger, mais je peux faire plus...
Nous pouvons faire plus.

Sur ces mots, il entra dans la maisonnée. Les murs étaient vide de tableau ou autre babiole, d'un beige terne qui laissait deviner l'ancien état d'abandon. Pourtant Liann avait semble-t-il rassembler de quoi vivre. Il avait installé un coin cuisine, dans ce qui devait être le salon, se servant de la cheminé pour chauffer et cuir la nourriture au feu, comme en forêt. Ce qui avait été une pièce à vivre, contenait désormais un unique matelas rabougris et une couverture grise. Quand au reste de la maison, il sera bien temps d'y mener la jeune fille ultérieurement.

Liann sentit la jeune fille desserrée son étreinte autour de son cou, se sentait-elle désormais plus en confiance ou désirait-elle simplement descendre ? Quelques secondes après, il la sentit gigoté avant de finalement prendre la parole.

- Heum... Je... Je ne t'ai pas dis mon nom... Je suis Mikale. Mikale Ketsuki. Euh... Pourquoi tu t'es arrêté tout à l'heure? Et on est où là? Et tu vas me tuer si je refuse de t'aider? Et aussi... tu pourrais... me poser?

Après avoir déclarer cela, elle se mit à soupirer. Liann ne comprenait pas pourquoi elle s'emballait aussi soudainement alors qu'elle avait semblé si avare de paroles durant leur trajet. Cela dit, il était en mesure de répondre à ses attentes.
Il se baissa, se mettant presque à genoux afin de la laisser quitter son dos sans heurt, faisant preuve de bien plus de prévenance qu'il ne l'avait fait lorsqu'il l'avait aidé à se lever ou lorsqu'il l'avait finalement mise sur son dos auparavant. Une fois qu'elle fut au sol, il se remit debout et se tourna pour lui faire face.

- Tu as soudainement beaucoup de question à poser d'un seul coup. Pas la peine de toutes me les lancés en un instant. Donc, Mikale, je vais commencer par la plus importante de toute. Non, je ne vais pas te tuer si tu ne veux rester, même si je tue plus facilement que je ne sauve, je ne vais pas réduire mon premier acte charitable à néant, je n'ai pas de prétention sur toi, le jour ou tu voudras aller vivre ailleurs, il te suffira d'utiliser tes jambes.

Il soupira à son tour, avant de s'écarter un peu pour prendre place sur ce qui ressemblait à un ancien fauteuil de qualité et qui maintenant était simplement une grande chaise légèrement rembourrée. Il y avait d'autres sièges autour de l'âtre plein de cendre, et Liann désigna d'un signe de la tête à Mikale d'en prendre un à son tour.

- Alors, pour tes autres questions. Nous sommes dans ce qui me sert de planque, de campement ou de maison si tu préfères l'un ou l'autre mot. C'est pas le grand luxe, mais pour avoir vécu sur les routes toutes ma vie, c'est plus que ce que je n'ai jamais eu. J'ai quelques installations pour mon entrainement à l'étage, et dans le sous-sol, il y a une salle ou je conserve nourriture et eau, et une autre ou j'ai tout ce qu'il faut pour entretenir mon sabre, ainsi que d'autres lames.
Enfin, la raison pour laquelle je me suis arrêté, c'est que je vérifiais si nous avions été suivi, ou si il y avait quelqu'un dans les environs. C'est l'un de mes atouts de chimères, pour faire simple, c'est comme ci je pouvais ressentir la présence des objets et autres dans un périmètre autour de moi.

Liann se leva, s'en allant dans le couloir, il lâcha à travers les pièces.

- Tu n'es pas obligé de me répondre tout de suite, si tu veux rester, tu pourras le faire quand tu seras en état d'avoir le choix, mais....
Le reste de la phrase fut totalement inaudible jusqu'au retour de Liann, un lapin, dépecé et vidé dans la main, ainsi que différentes herbes et légumes.

- Tu as faim je suppose, non ?

Lorsque Liann revint dans la salle principal, lieu qui servait autant de salon pour son aménagement et la présence des fauteuils que de cuisine pour l'utilisation de la cheminée afin de préparer la nourriture, il ne s'attendait pas à la réaction de Mikale. La jeune fille sauta littéralement de sa chaise pour se précipiter sur lui, ou plutôt vers le lapin qu'il tenait par les pattes arrières. Il aurait pu raffermir sa poigne mais cela aurait-été certainement inutile, et il avait été surpris, bien que presque capable de sentir instinctivement les assauts de ses ennemis, il n'avait pas pu anticiper cette ruée.

La jeune fille s'empara donc de la viande pour finalement se mettre à la dévorer, crue, au grand étonnement de Liann. Son évolution en chimère n'avait pas comporté de grand changement pour lui, il était déjà presque un être sauvage avant de recevoir des attributs animaux, et la vie nocturne lui semblait une évolution logique à sa condition, sans chercher à y voir un quelconque lien avec l'ADN de chiroptère qui faisait maintenant partie de lui. Il se rendait compte que Mikale n'avait sans doute pas le même rapport que lui à sa transformation d'humaine à chimère, et personne ne l'avait aidé à contrôlé ses instincts, ce qu'il avait du apprendre à faire, en tant que combattant. Il pourrait l'aider, la former.

- Je pensais à la faire cuir, mais enfin, si cela te plait ainsi.

Il eu un léger sourire, et abandonna les herbes qu'il tenait sur le plus proche meuble. Lorsqu'il reposa son regard sur la jeune fille, elle avait fondu en larme, sans explication. Bien des gens auraient trouvé cela normal, après les épreuves qu'elle avait vécu, son évasion, sa rencontre avec Liann, passé l'adrénaline de ces évènements, la digue avait cédé, pour le samouraï, c'était simplement étrange. Il avait déjà pleuré oui, tout jeune, bien plus qu'elle, lorsqu'il était parti sur les routes, mais ses larmes avaient vite fait de sécher sur ses joues crasseuses à l'époque.

Mikale vint finalement se coller à lui, tenant ses mains tout en continuant de pleurer. Il la regarda pendant quelques secondes, ne bougeant pas. Il hésitait, lui le solitaire, il s'encombrait d'une petite fille et s'obstinait à vouloir, sans vraiment savoir pourquoi. Il se baissa néanmoins. La prenant dans ses bras, il ne l'enlaça pas comme l'aurait fait un père, il la souleva de terre, la portant à sa hauteur. Il retira une fois encore ses lunettes tant bien que mal pour plonger son regard dans le sien.

- Je ne sais pas pourquoi tu pleures, mais je sais que c'est la dernière fois. Quelque soit le choix que tu feras, tu dois me le promettre, et surtout te le promettre.

Il fronçait les sourcils, la regardant avec rudesse. Il l'avait vu faire preuve de détermination, et elle possédait des instincts de prédateur, il n'acceptait pas de la voir ainsi, frêle et fragile. Liann ne se trouvait pas dur, à dire vrai, il se surprenait lui même à donner tant d'importance à la petite fille. C'était pour lui la seule manière de manifester son affection naissante.

- Si tu veux rester ici, tu vas devoir te montrer forte. Domptée tes larmes, maitrisée tes instincts, aiguisée tes sens. Je t'aiderais à apprendre tout cela, si tu poursuis ton chemin avec moi.

Liann n'était pas décidé à flancher et son regard était toujours plongé dans celui de la jeune fille bien qu'il n'ait plus prononcé un seul mot durant plusieurs secondes. Elle devait vaincre ses larmes, c'était l'impératif qu'il s'était fixé quand il l'avait soulevé, et il ne connaissait pas d'autre moyen pour les dompter que de les affronter. Lorsqu'elle baissa la tête, fuyant son regard, il pensa qu'elle avait abandonné, pourtant, elle avait arrêté de pleurer, ce qu'il remarqua que lorsqu'elle enfouit sa tête au creux de son cou.

-J'accepte... de rester avec toi.

Lorsqu'elle prononça ces mots, le samouraï eu, pour la première fois depuis longtemps, un véritable sourire, loin de celui carnassier et dément qu'il abhorrait à chaque qu'il devait se servir de son sabre face à un adversaire qui lui semblait de valeur. Cette fois, il s'agissait d'une forme de joie qu'il n'avait jamais connu ou qu'il avait oublié, un petit bonheur, un moment qui avait été banni de son existence sanglante et solitaire.
Il resta quelques instants sans bouger, sans rien dire, gardant la jeune fille dans ses bras, s’accommodant de son poids sur ses bras, et de sa tête au dessous de son menton. Quand bien même le jeune homme aurait voulu dire quelque chose, il en aurait été incapable, tant une telle situation lui était inconnue à lui qui n'avait jamais rien partagé, et encore moins un moment comme celui ci. Il finit néanmoins par briser l'immuabilité de cet échange muet en se déplaçant, Mikale toujours dans ses bras.

- Je crois qu'il vaut mieux que tu te reposes pour l'instant, tu as eu les nerfs mis à rude épreuve, je pourrais te montrer le reste de l'endroit demain, et commencer à te former. Mais ne va pas croire que je vais te chouchouter, je ne veux pas avoir d'obligation et tu es aussi libre de tes mouvements.

Il porta la jeune fille jusque dans l'endroit qui servait, sans vraiment en avoir l'air, de chambre. L'unique couchette disposée directement sur le sol, elle offrait un confort relatif, mais un certain moelleux tout de même. Il y déposa Mikale, sans brusquerie, avant d'en faire le tour et de déposer son sabre contre un mur, à porter de bras. Puis, il sembla soudainement se souvenir que la jeune fille avait peut être des impératif différent des siens concernant le sommeil.

- Je n'avais pas prévu de vivre avec quelqu'un d'autre avant de te rencontrer, du coup il n'y a pas d'autre lit... Tu veux que j'aille dormir ailleurs ? J'ai connu le sol, sec ou humide, par temps de pluie ou autres, j'aurai pas de mal avec un fauteuil.

Liann se tenait droit, les bras croisés en attendant la réponse de sa nouvelle colocatrice. Il se demandait presque qu'elle mouche l'avait piqué pour qu'il se soucie de son avis à ce sujet. Autrefois, dans un cas similaire, c'était le chef du gang qui se choisissant la meilleur couchette et les autres n'avaient cas tiré au sort, ou à la lame, et il n'était pas rare que les moins bons guerriers décident d'un commun accord d'aller dormir dans les pires positions. Liann avait subi ce traitement toute la fin de son enfance, et une bonne partie de son adolescence, avant d'être devenu tellement bon avec un sabre qu'il aurait pu prendre le lit du chef s'il l'avait désiré. Il n'avait aucun intérêt à se battre avec Mikale cela dit, et il lui était venu à l'esprit l'idée saugrenue de lui demander son avis, alors qu'il aurait certainement du aller dormir sur le fauteuil.

Elle avait retiré son casque une fois sur le lit, pour le garder dans ses bras, au lieu de le poser quelque part. C'est en la voyant se mettre en boule que Liann remarqua les deux oreilles animales qui dépassaient de sa chevelure. Cela expliquait pourquoi elle l'avait sur la tête, et le samouraï saluait la lucidité qu'elle avait eu à ce sujet, passé incognito pouvait parfois se révéler important, et être sous-estimé encore plus. Il devrait lui enseigner cela, même une fois qu'elle aurait appris de quoi vaincre un homme fait, elle devrait cultiver l'illusion de la faiblesse.

Lorsqu'elle donna sa réponse, elle sembla hésitante. Elle avait eu la même difficulté à dire qu'elle désirait rester, peut être se sentait-elle intimidé par Liann. Si c'était le cas, il devrait lui reposer la question au matin, afin d'être certain de la décision qu'elle a prise. Néanmoins, pour cette nuit, elle avait accepté de partager la couchette. Si elle réaffirmait sa position demain, il ferait en sorte d'en trouver une seconde pour elle, qu'elle puisse avoir son intimité. Pour l'instant, il se contenta de retirer son haut, restant torse nu, d'éteindre les lumières et de se placer de l'autre coté du lit, avec son sabre non loin de lui.

Il murmura un : " Bonne nuit." rapide, et s'endormit presque aussitôt, ayant prit depuis longtemps l'habitude de dormir dès que l'occasion se présentait, mais souvent de courtes durées. Il ne ronflait pas, et avant le sommeil extrêmement léger, ce qui l'avait maintenu en vie jusqu'à présent.