La dernière et seule chose qu'Andrew vit avant de sombrer dans l'inconscience, chez lui, ce fut la vision d'Ayame près de lui, également blessée. Quelques "éclairs" bleus, le même bleu que celui de son uniforme, s'agitaient autour d'eux, puis une ou deux minutes plus tard, ce n'était plus le plafond de sa maison qu'il voyait à travers un rideau flou, mais un plafond blanc, tandis qu'il était couché sur autre chose que le sol de son domicile. Il n'avait que la vue comme sens, ainsi que l'ouïe, mais tout ce qu'il entendait était confus, avec une sorte d'écho étrange. En revanche, il ne sentait plus rien, l'odorat ainsi que le touché avait comme disparu. Lentement, il ferma les yeux, ne se rendant même plus compte qu'il ne respirait plus...

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Dans une pièce entièrement blanche, un "bip" sonore retentissait environ toutes les deux secondes. Sur un écran noir, une ligne de couleur verte traçait des traits en diagonale ou à la verticale, en même temps que les "bips". A côté de cette machine se trouvait un lit d'une blancheur immaculée. Un jeune homme au teint cadavérique se trouvait sous les draps. Une aiguille était plantée dans son bras gauche, et chose qu'on ne voyait pas sous les fines couvertures : un bandage était serré tout autour du torse du blondinet, et un autre sur l'une de ses jambes, sur toute la partie entre la cheville et le genou. Il respirait difficilement, à l'aide d'un masque approprié qu'il lui donnait de l'air artificiel...

Cela faisait des heures qu'il se trouvait ici. Pas une seule fois il ne s'était réveillé ou avait ouvert les yeux. Il fallait dire que sa perte de sang avait été énorme... Son torse se soulevait avec difficulté, et pas assez souvent qu'il ne le fallait... Il ne bougeait pas d'un poil, on aurait même plus se demander s'il n'était pas déjà mort. La seule chose qui montrait le contraire, c'était la machine qui produisait un petit bruit régulier.

Andrew reprit alors conscience, mais n'ouvrit pas les yeux pour autant, n'ayant pas la force. Il bougea légèrement la tête, et c'est à ce moment précis qu'il ressentit toute la douleur que lui procurait son corps. Et il se rendit compte qu'il n'avait pas seulement mal à sa jambe et à sa hanche, mais aussi tout le reste de son corps. N'ayant plus la forme, il se sentit encore une fois sombrer dans les ténèbres...

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La deuxième fois qu'il se réveilla, il ouvrit cette fois-ci les yeux, non sans pousser un gémissement de douleur et de mécontentement. Heureusement que les rideaux de la chambre avaient été tirés ; on pouvait clairement voir que le soleil était plutôt fort en cette journée, malgré que la pluie soit souvent présente ces derniers-temps. Lentement, il observa sans bouger la tête tout ce qui se trouvait autour de lui, et une infirmière apparut alors dans son champ de vision. Immédiatement, elle s'agita autour de lui, et appela alors un médecin. Après quelques analyses rapides, il retira le masque à oxygène du visage du blondinet qui respira tout de suite l'air frais qui lui procurait beaucoup plus de bien que l'air artificiel.

Le médecin lui posa tout une série de questions, observant ses blessures et aussi comment il se sentait, et Andrew répondait d'une voix plate et endormie. Justement, l'homme qui s'occupait de lui lui suggéra de se rendormir (Même si c'était une suggestion, sa voix disait clairement qu'il ne fallait pas discuter ce point.). Lentement, le sous-lieutenant hocha la tête, avant de se remettre en position couchée sur son dos et il ferma les yeux.

A vrai dire, il devait avoir dormi une journée environ, puisque même sans ouvrir les yeux, la troisième fois qu'il se réveillait, il sentait l'agréable contact des rayons du soleil sur sa peau. Il n'ouvrit pas les yeux, savourant cet instant surtout pour oublier le fait qu'il avait horriblement mal, quand la porte s'ouvrit, mais il ne fit pas bouger ses paupières pour autant.

- Heum… Sous-lieutenant?

Ce fut ces paroles qui firent réagir les rouages d'Andrew. Cette voix, il la connaissait, mais pas très bien non plus. Fouillant dans sa mémoire, il réussit à se rappeler à qui elle appartenait ; c'était bien évidemment celle du Lieutenant Kuroda, faisant désormais parti de son équipe. Il ne l'avait seulement brièvement rencontré dans le bureau du colonel Aisya Jasdero, sa supérieure, lorsque cette dernière les avait tous appelé pour former l'équipe dont ils faisaient tous désormais parti. Ainsi, le Lieutenant était venu le voir ? Depuis qu'il était éveillé - enfin, depuis qu'il s'était réveillé à partir du moment où il avait été emmené à cet hôpital - il n'avait pas reçu d'autres visites que celles des infirmières et des médecins, celles-ci venant voir toutes les heures comment il se sentait et autres, et ces derniers une fois par jour pour lui administrer quelques soins médicaux. Aussi la visite de quelqu'un d'autres que ces chères personnes en blanc - au moins ils étaient assortis au bâtiment, c'était déjà pas mal - faisait pas mal de bien.

Andrew ouvrit les yeux après que son supérieur ait parlé. Il émit une gémissement à peine audible en tournant la tête, et vit la mine qui semblait être un peu inquiète - ou alors légèrement effarée, au choix - de Kuroda. Lentement et douloureusement, le sous-lieutenant essaya de faire un effort pour ne pas paraître aussi pitoyable qu'il devait être en se redressant doucement. Il recula légèrement dans son lit pour se retrouver en position assise, bien calé dans ses deux oreillers qu'on lui avait fourni. A vrai dire, il ne devait pas vraiment faire d'efforts, mais il était tellement têtu... Il esquissa un faible sourire au Lieutenant.

- Lieutenant Kuroda... Excusez-moi de ne pas faire le salut obligatoire... Vous êtes venu transmettre de mes nouvelles à l'équipe ?

Par "salut obligatoire", il entendait bien sûr le traditionnel salut militaire que l'on devait faire à chacun de supérieurs quand on les croisait. Voilà maintenant plusieurs années que le jeune Loxley effectuait ce salut. Maintenant habitué, il était un peu gêné de ne pas pouvoir vraiment le faire. Devoir bouger ses bras était un peu difficile étant donné que sa hanche était blessée. A vrai dire, si cette partie de son corps était touchée, le reste était aussi douloureux...

- Ne vous en faites point pour le salut, sous-lieutenant. Ici vous n’avez point à vous en faire avec de telles choses surtout dans un hôpital. Si je vous demandais réellement de le faire, je crois bien que ces demoiselles à l’extérieur m’en voudraient pour le reste de mon existence.

Andrew sourit faiblement à cette remarque, et laissa échapper un petit rire qu'il calma bien vite, se rendant compte qu'il avait la gorge en feu depuis son réveil. Dans un flash rapide, il se souvint avoir craché du sang quand les "griffes" de cette... femme avaient transpercé sa hanche, mais pas seulement à ce moment, aussi après, lorsqu'il s'était redressé pour aller chercher une arme à feu dans l'un de ses placards. Il toussa légèrement, et plaça sa main fermée devant ses lèvres, et sa toux n'arrangea pas la sensation qu'il avait dans la gorge. Après que ses toussotements se soient calmés, le sous-lieutenant avala difficilement sa salive et se cala un peu mieux, toujours dans une position assise, dans ses deux oreillers et tourna la tête vers le lieutenant Kuroda, le fixant de son regard vert.

- Alors, Sous-lieutenant Loxley c’est bien ça? Ca va mieux, dites-moi?

Le blondinet hocha légèrement la tête en souriant un peu, et soupira presque de façon inaudible. Il remonta sa main vers son crâne pour se passer la main dans ses cheveux, frôlant au passage son cou. C'est à ce moment qu'il remarqua qu'un bandage était enserré autour de celui-ci. Il ne se rappelait s'être blessé également à cet endroit, mais il avait beau passer ses doigts dessus, il ne pouvait sentir la trace de blessure puisque le bandage immaculé était plutôt épais. Le jeune homme était vraiment amoché. Et dire qu'il ne savait rien du tout de ce qui lui était vraiment arrivé, à part qu'il avait failli être tué par une femme dont il ne connaissait rien. D'ailleurs, Eliana lui devait des explications, elle lui avait même fait une promesse à ce sujet. Cette pensée en amena une autre, et revit Eliana blessée sur le sol de sa maison. Il s'affola légèrement, s'inquiétant pour celle qu'il pourrait peut-être considérer comme une amie, même s'il ne connaissait pas grand-chose d'elle. Le "bip" incessant s'accéléra à ce moment-là, prouvant qu'il était stressé à propos de quelque chose. Mentalement, il maudit la machine qui était reliée à lui-même.

- Ca peut aller, je vous assure. Je pense pouvoir reprendre du service d'ici la fin de la semaine. Tout ce que j'espère, c'est ne pas être trop mal en point pour la mission de survie à laquelle nous irons... Sans parler du fait que mon logement est complètement dévasté et inhabitable.

Il sourit, tentant de faire croire qu'il allait très bien, malgré les "bips" qui étaient toujours à un rythme plus ou moins rapide. Il ne voulait pas causer de soucis à son équipe, ayant malgré tout un léger doute là-dessus. Après tout, leur équipe venait tout juste d'être formée, et les membres se connaissaient à peine. Néanmoins, Andrew s'interdit de penser à ce genre de choses. Ils devaient être soudés, non ? Aussi, songer à ceci pourrait probablement y nuire...

Andrew inspira profondément avant de relâcher toute la quantité d'air qu'il venait d'accumuler. La machine à ses côtés s'affola un dernier instant, avant de rependre lentement son rythme que l'on pourrait qualifier de normal. Il retint un petit gémissement de douleur pendant cette aspiration ; sa cage thoracique se soulevait donc, et ses hanches se mouvaient légèrement avec, étirant ainsi la blessure tout fraîche et à peine cicatrisée. Le blondinet observa d'un regard inquisiteur le petit calepin qu'avait sorti son collègue pour y noter certaines choses. Cela ressemblait fortement à un interrogatoire, maintenant. Et le jeune Loxley les détestait. Il se souvint, alors qu'il venait de tuer pour la première fois, de ces hommes en uniforme de l'armée venant l'emmener, l'arrachant à sa soeur et à sa mère qui n'étaient en fait que des cadavres depuis plusieurs jours. Lesdits hommes l'avaient bourré de questions alors qu'il n'avait que cinq ou six ans, si bien qu'il était resté totalement muet. Il en vient même à haïr ces membres de l'armée. Quelle ironie, en fait, sachant qu'il en faisait maintenant partie, et qu'il se retrouvait une fois de plus devant un représentant de cette armée pour l'interroger. Et le sous-lieutenant avait vraiment l'impression que ce ne serait pas la dernière fois qu'on le questionnera sur cette affaire.

- Heureux de vous l’entendre dire mais ne vous surmenez point… Et ne vous en faites pas avec de telles balivernes, l’armée s’occupera aisément de vous trouver un logis pour compensation à vos pertes.

Andrew continua de sourire tristement. En quelques heures, il avait perdu un bon nombre de choses. Son foyer, par exemple, et pratiquement tout ce qu'il y avait dedans. Il devrait sûrement aller récupérer certaines choses qui lui appartenait et qui n'était pas détruites. S'il y en avait, bien entendu. Parce que cette femme n'y avait pas du tout été de main morte. En tous cas, la perspective de changer d'habitation ne l'enchantait pas du tout. Il avait été pendant environ un mois dans les dortoirs du Quartier Général, et il ne tenait pas à y retourner. Lorsqu'il y était, il ne disait rien, mais au moment où il avait trouvé un logement en ville, le blond s'était attaché à ce petit confort par rapport aux dortoirs de l'armée. En fait, ce n'était même pas sûr que l'armée allait lui donner une chambre dans le QG, comme d'autres officiers, mais c'était probable, si elle voulait se débarrasser de cette affaire au plus vite.

- Auriez-vous quelque chose à déclarer pendant que j’y pense ?

Andrew était un peu méfiant vis à vis de cette question. Devait-il tout dire de ce qu'il avait vu ou garder le silence ? Il ne savait pas pourquoi, mais il avait le sentiment qu'il ne fallait pas qu'il raconte tout ce qu'il avait vécu. Déjà qu'il n'avait pas tout compris, Eliana lui avait promis des explications. Dès qu'il serait sur pieds, il allait la voir, si elle était encore à l'hôpital. Le militaire se mordilla la lèvre, ne sachant que dire. Finalement, il prit la parole ; laisser un silence aurait pu paraître suspect.

- Je suis désolé, je ne pense pas pouvoir vous aider sur cette affaire, ça s'est passé tellement vite. Mais si jamais vous retournez chez moi pour inspecter les dégâts, j'aimerais pouvoir venir avec vous.

Une chose revint en mémoire : la mission de survie du Colonel Jasdero. Inquiet, il espérait tout de même être assez en forme pour pouvoir y aller et éviter au pire de retarder cette mission. Comme pour répondre à ses tourments, la porte de la chambre immaculée s'ouvrit pour laisser entrer un homme en blouse blanche. Le nouveau venu regarda un moment les deux militaires et annonça que les visites étaient finies et qu'il était temps pour le sous-lieutenant Loxley qu'il devait avoir quelques examens maintenant qu'il était réveillé. Le concerné soupira et fit une moue en signe de protestation, mais il ne dit rien pour autant.